Focus sur le Forum des marchés publics

Catherine Delort
Sous-directrice du droit de la commande publique

1) Depuis 2008, le Code des marchés publics n’a cessé
d’évoluer. Pouvez-vous nous dresser un bilan des différentes réformes ?

La première évolution à signaler est la
réduction des délais de paiement de l’État
pour soutenir la trésorerie des
entreprises : le décret n°2008-407 du 28 avril 2008 a modifié l’article 98
du Code des marchés publics pour fixer à 30 jours les délais de paiement pour
l’État.

Le Code des marchés publics a été
ensuite été modifié pour mettre en œuvre le plan de relance de l’économie dans
les marchés publics
: c’est l’objet du décret n°2008-1355 du 19 décembre 2008.
Ses principales dispositions sont la suppression du seuil de 206 000 €
pour les marchés de travaux, la suppression de la commission d’appel d’offres
pour les marchés de l’État et des hôpitaux, la suppression de la double
enveloppe et l’affirmation expresse de la possibilité de négocier en MAPA. Ce
décret a également procédé à la réduction progressive des délais de paiement
des collectivités territoriales pour atteindre 30 jours le 1er
juillet 2010.

Toujours dans le cadre du plan de
relance, le décret n°2008-1356 du 19 décembre 2008 relatif au relèvement de
certains seuils du Code des marchés publics a relevé le seuil de minimis de 4 000 € à
20 000 €, mais cette disposition vient d’être annulée par le Conseil d’État
qui a jugé la dispense trop générale (CE 10 février 2010, Me Perez : annulation
du seuil de 20 000 € à/c du 1er mai 2010). Le relèvement de ce seuil pendant
cette période a néanmoins permis d’injecter des liquidités dans l’économie en
accélérant les procédures d’achat et en soutenant la trésorerie des PME.

En 2009, plusieurs textes : d’abord
deux décrets ont procédé à des ajustements techniques afin de corriger des
imperfections rédactionnelles et apporter des clarifications souhaitées par les
acheteurs publics. Le premier, le décret n°2008-1334 du 17 décembre 2008 a donné un caractère
facultatif aux niveaux minimum de capacités fixés par les acheteurs, confirmé
la possibilité de conclure des marchés à bons de commande et accords-cadres
sans mini et/ou sans maxi et enrichi les dispositions relatives à la
dématérialisation. Le second, le décret n°2009-1086 du 2 septembre 2009 a
modifié certaines dispositions applicables aux marchés publics : il
apporte des précisions sur les groupements de commande, les jurys de concours,
le régime des variantes, la présentation des plis dans le cadre des marchés
allotis et la possibilité de régularisation
de la capacité juridique du candidat. La Commission des marchés publics de l’État
devient la Commission consultative des marchés publics ouverte aux
collectivités territoriales. Ensuite, le décret n°2009-1702, paru le dernier
jour de l’année, a modifié, comme tous les deux ans pour tenir compte des
variations de la valeur de l’euro, les seuils de procédure (décret du 30
décembre 2009).

Enfin, le bilan 2009 sera complet avec
la réforme du contentieux des marchés publics issue de la transposition de la
directive « recours » 2007/66/CE
du 11décembre 2007
qui a été transposée dans les délais requis. L’ordonnance
n°2009-515 du 7 mai 2009 et le décret n°2009-1456 du 27 novembre 2009 relatifs
aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique ont
renforcé le référé précontractuel : effet suspensif automatique du référé et
délai de standstill de 16 jours (11 jours si transmission électronique). Le nouveau
référé contractuel permet le recours des candidats évincés après la signature
du marché.

Pour 2010, je signalerai, tout récemment,
le décret n°2010-406 du 26 avril 2010 relatif aux contrats de concession de
travaux publics
et portant diverses dispositions en matière de commande
publique qui a abrogé la procédure des marchés de définition pour se conformer
à la décision de la CJUE du 10 décembre 2009, Commission c/ France, aff.
C-299/08.

C’est, notamment, pour aider les acheteurs
à assimiler l’ensemble de ces évolutions du droit des marchés publics, que le
guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics a été rédigé (circulaire
du 29 décembre 2009).

2) Fortement refondus, quels sont les principaux apports
des nouveaux CCAG ?

La réforme des CCAG a eu pour objectifs
de mettre à jour les textes sur le plan juridique, de les moderniser, notamment
en créant un nouveau CCAG applicables aux techniques de l’information et de la
communication, de les simplifier en adoptant un ensemble de clauses communes
sur les points les plus importants, comme par exemple les conditions de
résiliation, et enfin, de rééquilibrer les relations entre les opérateurs
économiques et les pouvoirs publics, par exemple, en prévoyant une
indemnisation systématique en cas de résiliation lorsque le titulaire n’a pas
commis de faute.

La concertation qui a duré plus de
dix-huit mois, a été très riche. La mise en ligne sur le site du ministère des
cinq projets de CCAG
a suscité une forte participation de tous les acteurs de
la commande publique : près de 300 contributions ont été recueillies. Les
consultations écrites ont été enrichies de plusieurs réunions de travail
organisées avec tous les professionnels qui l’ont demandé.

Les cinq nouveaux CCAG contiennent
des innovations essentielles,
notamment pour tous les CCAG, un plan général
identique, l’introduction de clauses relatives à la dématérialisation des documents,
à la protection de l’environnement, à la protection des travailleurs, aux
assurances, à l’indemnisation du titulaire en cas de résiliation. Pour les CCAG
TIC, PI et MI, l’adoption de nouvelles clauses communes relatives à la
propriété intellectuelle. Pour le CCAG-Travaux, l’instauration d’une réception
tacite des travaux avec un mécanisme de poursuite des prestations garantissant
le paiement du titulaire et la simplification du mécanisme de règlement amiable
des litiges.

Les CCAG ont bénéficié d’un accueil très
positif, la qualité et la densité de ces textes étant soulignées par tous les
interlocuteurs. La clarification des procédures, supprimant notamment un
certain nombre d’impasses juridiques a été particulièrement appréciée.

3) Quels sont les projets législatifs ou règlementaires à
venir en matière de commande
publique?

2010 devrait être
plus « calme » mais la
DAJ n’est pas pour autant sans activité !

Le Conseil d’État sera prochainement saisi, pour avis,
d’un décret modifiant le décret n° 2001-797
du 3 septembre 2001 relatif aux comités de règlement amiable des différends ou
litiges dans les marchés publics (CCRA) afin de les rendre encore plus
efficaces
. Bien que centenaires puisque le premier comité a été créé en 1907,
ces institutions demeurent mal connues et sous-utilisées.

En préparation actuellement pour l’automne, un décret
de mise à jour du Code des marchés
devra tirer les conséquences des dernières
évolutions jurisprudentielles ou législatives. Je ne peux pas encore vous en
donner toute la « substantifique moelle » car sa rédaction n’est pas
achevée. Il contiendra, notamment, une mise à jour de l’article 56 sur la
dématérialisation, l’adaptation des dispositions sur les hôpitaux qui ne sont
plus des établissements publics locaux et la possibilité de passer des marchés
de maitrise d’œuvre en dialogue compétitif.

La sous-direction de la commande publique est aussi
mobilisée cette année sur des sujets communautaires, au premier rang desquels
figure la transposition de la directive 2009/81/CE du 13 juillet 2009 sur les
marchés de la défense et de la sécurité
qui doit être terminée en août 2011.
Vous savez l’effort entrepris par le Gouvernement français pour respecter les
délais de transposition des directives européennes. Celle-ci sera essentiellement
transcrite dans une troisième partie du Code des marchés publics.

Enfin, même s’il ne s’agit pas d’un texte
réglementaire, je signale la mise en ligne sur le site du ministère de
l’économie, à la rubrique « marchés publics », du guide de la
dématérialisation des marchés publics destiné à tous les acteurs de la commande
publique, acheteurs et entreprises, pour les aider à mettre en œuvre les
nouvelles obligations intervenues le 1er janvier 2010 en matière de
dématérialisation.

 

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