Les récentes modifications du Code des marchés publics

Yves-René Guillou
Avocat

1) Pour quelles raisons le décret modifiant le Code des marchés publics était-il si attendu ?

Ce décret était attendu en raison de la nécessité de supprimer certaines mentions désuètes d’une part et de prendre acte des évolutions jurisprudentielles en la matière d’autre part. En effet, bien que cette révision ne bouleverse pas notre Code des marchés publics, ce dernier avait besoin de mises à jour exigeant la suppression de différentes mentions obsolètes.

Il devenait également utile de clarifier certaines dispositions, notamment les modalités d’actualisation et de révision des prix, ou encore les dispositions relatives au régime des avances.

En outre, il était nécessaire d’intégrer au Code les récents apports jurisprudentiels intervenus en matière de marchés publics. Je pense particulièrement à la jurisprudence Pérez fixant à 4000 € le seuil de dispense de procédure (CE 10 février 2010, Pérez, req. n° 329100).

Enfin et surtout, sous l’impulsion du Grenelle de l’environnement, les pouvoirs publics ont pris le parti d’introduire un contrat dit « global » associant conception et/ou réalisation à l’exploitation ou à la maintenance.

2) Parmi ses nombreux apports, lesquels vous semblent les plus importants ?

Parmi les nombreux apports évoqués, deux attirent particulièrement mon attention.

Il s’agit, tout d’abord, de la possibilité de recourir au dialogue compétitif dans le cas des marchés de maîtrise d’œuvre en vue de la réhabilitation d’un ouvrage ou de la réalisation d’un projet urbain ou paysager. D’un point de vue opérationnel, cette avancée devrait permettre de pallier la suppression du marché de définition. Lorsque les conditions seront réunies, le recours au dialogue compétitif devrait présenter une solution alternative pour les pouvoirs adjudicateurs en mal de définition de leurs besoins.

Par ailleurs, l’introduction du contrat dit « global » représente l’innovation majeure apportée par cette réforme. L’introduction de contrats globaux de performance permettra de responsabiliser les titulaires de marché par un ajustement de leur rémunération en fonction de la satisfaction des objectifs de performance préalablement définis. Dérogeant au principe de l’allotissement et créés pour lier la rémunération du titulaire au respect de ses engagements, on pourrait avoir envie de les comparer aux contrats de partenariat. Il ne faut cependant pas se méprendre : ces contrats sont régis dans le cadre strict imposé par le Code des marchés publics. Par conséquent, la maîtrise d’ouvrage et le financement sont publics, le paiement différé reste interdit et ces contrats ne permettent pas, non plus, une dérogation à la loi MOP.

3) Que pensez-vous des nouvelles dispositions autorisant la passation des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables ?

Outre les hypothèses prévues par l’article 35 du Code des marchés publics et outre le seuil des 4 000 €, le 5e alinéa de l’article 28 offre une nouvelle possibilité aux pouvoirs adjudicateurs de dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence. Il leur permet ainsi de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence lorsque ces formalités sont « impossibles ou manifestement inutiles en raison notamment de l’objet du marché, de son montant ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré ».

Ce nouvel alinéa procure une certaine souplesse devenue nécessaire à ce jour, mais n’est cependant pas exempt de tout risque juridique. De nature restrictive, on peut cependant s’interroger sur l’interprétation que fera le juge de cette disposition. Que doit-on entendre par formalité « impossible » ou « manifestement inutile » ? Quelque peu contradictoire, le nouvel article 28 prend acte de l’annulation du relèvement du seuil des 4 000 à 20 000 € pour assouplir aussitôt cette disposition. Rédigé en termes flous, cet alinéa donnera sans nul doute lieu à de nombreuses controverses.

4) Qu’en est-il de la transposition de la directive défense ?

La transposition de la directive 2009/81/CE a partiellement été effectuée avec l’adoption de la loi n° 2011-702 du 22 juin dernier relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité, venant ainsi modifier certaines dispositions de l’ordonnance du 6 juin 2005.

La plus importante partie de la transposition de la directive défense a été effectuée par le décret n° 2011-1104 du 14 septembre dernier. Le principe directeur de ce décret est de former une dichotomie au sein des marchés passés en matière de défense et de sécurité. D’une part, le décret crée une nouvelle troisième partie au sein du Code des marchés publics ayant pour objet de réglementer les modalités de passation et d’exécution des marchés publics en la matière et, d’autre part, il consacre l’exonération des règles de publicité et de mise en concurrence lorsque l’objet de ces marchés met en jeu les intérêts essentiels de la sécurité de l’État.

Ainsi, nous assistons à une normalisation des achats en matière de défense dès lors que ces derniers ne sont pas expressément exclus du champ d’application du Code des marchés publics.

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