Les conséquences fiscales du mode de gestion du service public

Frédéric Bertacchi
Alexis Bussac
Avocats
CMS Bureau Francis Lefebvre

1- Existe-t-il une définition fiscale autonome de la délégation de service public ?

D’un point de vue fiscal, la question essentielle est de déterminer qui est doit être reconnu comme l’exploitant du service délégué.

La définition fiscale de la délégation de service public est en effet distincte de la définition juridique, l’administration précisant, notamment au plan de la TVA, qu’« alors même que le contrat serait qualifié de délégation de service public au motif que la rémunération du délégataire serait substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation du service en application des critères dégagés par la jurisprudence du Conseil d’État (arrêt du 30 juin 1999, req. n° 198147 Syndicat mixte du traitement des ordures ménagères du Centre-Ouest Seine et Marnais), les contrats par lesquels le délégataire perçoit la rémunération sur l’usager au nom et pour le compte de la collectivité à laquelle il la reverse » ne constituent pas des contrats de délégation de service public au sens fiscal.

Or, selon que l’exploitant au sens fiscal est la personne publique ou  la personne privée en charge de la gestion du service, le régime d’imposition peut être différent.

2- Le régime d’imposition peut-il avoir un impact financier sur le coût du projet ?

Au plan de la TVA, les personnes publiques ne sont pas assujetties pour leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque ce non-assujettissement n’entraîne pas de distorsion dans les conditions de la concurrence.

Elles sont, en conséquence, privées du droit à déduction de la TVA grevant leurs dépenses.

Si un mécanisme de subventionnement (le FCTVA) permet de neutraliser, peu ou prou, le poids de la TVA grevant les dépenses d’investissement pour les organismes éligibles aux attributions du fonds, la TVA grevant les dépenses de fonctionnement n’est pas récupérable et constitue ainsi une charge définitive pour la personne publique.

En revanche, lorsque le service est fiscalement délégué, l’exploitant personne privée sera, sous réserve de rares exceptions, taxable à la TVA au titre de l’activité déléguée et pourra, ainsi, récupérer la TVA grevant tant les dépenses d’investissement, que de fonctionnement supportées pour les besoins du service.

L’enjeu sur le coût du service n’est donc pas neutre, surtout lorsque l’activité envisagée est susceptible de générer d’importantes dépenses de fonctionnement.

Ainsi, si nous prenons l’exemple de la gestion d’un équipement sportif, tel qu’une piscine, la fiscalité peut avoir un impact financier significatif.

La gestion du service nécessite en effet des dépenses de fonctionnement élevées, telles que l’eau ou le chauffage, pour lesquelles la TVA ne peut être récupérée lorsque le service est géré en direct, par la personne publique, sous réserve toutefois que la piscine ne présente pas un caractère concurrentiel.

Cet enjeu doit toutefois être mesuré au regard des autres impositions auxquelles peut être soumise l’exploitation.

Ainsi, en matière d’impôts locaux, la personne publique peut être exonérée de CFE et de CVAE pour ses activités à caractère essentiellement culturel, éducatif, sanitaire, social, sportif ou touristique et toutes les activités qui en sont le complément indispensable.

Cette exonération n’est toutefois applicable qu’à la condition que l’activité soit directement exercée par la collectivité locale. Aussi, en cas de gestion déléguée, se pose la question de savoir si le poids de la CFE et de la CVAE sera indirectement supporté par la collectivité délégante, notamment au travers des contributions financières qui pourraient être allouées au délégataire du service.

3- Qu’en est-il en matière de taxe foncière ?

La même analyse doit être opérée en matière de taxe foncière. Les mécanismes d’imposition à la taxe foncière des immeubles affectés à des services publics relèvent, pour l’essentiel, du droit commun. Ainsi, l’appartenance du terrain d’assise au domaine public n’est pas un motif d’exonération. En conséquence, la taxe foncière est établie au nom de la collectivité propriétaire (État, département, commune, établissement public).

Cela étant, il existe des dispositions d’exonération particulières. Par exemple un mécanisme d’exonération permanente de la taxe foncière sur les propriétés bâties qui s’applique aux immeubles qui présentent concurremment le caractère d’être des propriétés publiques, d’être affectés à un service public ou d’utilité générale et d’être improductifs de revenus. Cette dernière condition peut ainsi conduire à s’interroger lorsque la collectivité délégante perçoit une redevance d’affermage au titre de la mise à disposition des locaux au profit de son délégataire.

4- D’autres impôts peuvent-ils avoir une incidence sur le choix du mode de gestion du service public ?

La question de la taxe sur les salaires doit également être appréhendée. En effet, s’il existe une exonération relativement large pour les organismes publics, les acteurs privés en sont redevables lorsqu’une partie de leur chiffre d’affaires n’est pas soumis à la TVA.

Ainsi, il est assez fréquent dans le cadre de délégation de service public que le délégataire se trouve redevable de cette taxe du fait de la perception de subventions non imposables perçues de son autorité organisatrice, en compensation des contraintes de service public auquel il est soumis dans le cadre du contrat de délégation.

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