L’accès facilité des PME à la commande publique

Pierre PINTATPierre Pintat
Avocat associé gérant
PierrePintat Avocat

1) L’accès des PME à la commande publique est-il encore difficile et pour quelles raisons ?

À chaque réforme du Code des marchés publics, les pouvoirs publics se sont efforcés de favoriser l’accès des PME à la commande publique. Pour autant, chaque réforme est l’occasion de déplorer qu’il n’est pas encore suffisamment facilité.

Il est vrai que l’exercice n’est pas aisé dans la mesure où il faut combiner des procédures encadrées par des textes européens, un principe d’égalité de traitement des candidats, des contraintes générales liées à la phase d’exécution des marchés tenant notamment aux règles de la comptabilité publique, etc.

Diverses simplifications et allégements sont intervenus depuis 2001, favorisant de fait l’accès des PME à la commande publique, mais les obstacles persistants tiennent à des éléments qui échappent à la question du cadre juridique de cet accès : coût inévitable et moyens nécessaires pour répondre aux consultations les plus complexes, pratiques concurrentielles de certains opérateurs économiques plus importants, inadaptation des moyens et méthodes de certaines PME aux besoins de projets publics, réticences de certains donneurs d’ordre à retenir des PME, etc.

À l’inverse, ce sont parfois des considérations non juridiques qui favorisent l’accès des PME à la commande publique, telles que la préférence locale.

Au demeurant, la question de l’accès des PME à la commande publique est posée en des termes qui méritent peut-être d’être réexaminés : on ne devrait pas considérer que l’accès à la commande publique n’est que l’accès direct à celle-ci.

Or il serait pourtant raisonnable de considérer qu’un opérateur économique a accès à la commande publique dès lors que ses prestations sont directement rémunérées à partir des deniers publics, ce qui est le cas des titulaires, mais aussi des sous-traitants directs en France.

À cet égard, si le sous-traitant direct et le contractant principal bénéficient de droits au moins équivalents dans l’exécution financière des marchés publics, un examen attentif des dispositions applicables met en évidence que le sous-traitant direct bénéficie de conditions administratives plus favorables que celles du contractant principal. En outre, qu’il s’agisse de la survenance de difficultés d’exécution, ou de la recherche de responsabilités post-exécution, le sous-traitant est moins exposé que le contractant principal.

Ainsi, une PME titulaire d’un marché public qui rencontre des difficultés importantes avec un sous-traitant est dans une situation de grande vulnérabilité, ce qui ne favorise pas cet accès direct à la commande publique.

Si l’on ne se satisfait pas de l’accès des PME à la commande publique dans le cadre de la sous-traitance, et que l’on souhaite favoriser leur accès à la commande publique en qualité de contractant principal, il faudrait alors songer à ajuster le droit de la sous-traitance pour tenir compte de leur situation particulière lorsqu’elles interviennent en qualité de titulaire.

2) Les mesures actuelles, et en particulier celles du décret du 26 septembre, favorisent-elles l’accès des PME à la commande publique ?

Le plafonnement des exigences des acheteurs publics en termes de capacité financière des candidats à deux fois le montant estimé du marché, sauf justifications liées à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution va incontestablement dans le sens d’un accès facilité à la commande publique.

Pour autant, cette nouvelle disposition ne fait que préciser la jurisprudence existante en figeant un seuil au-delà duquel cette exigence minimale de capacité doit être jugée non « proportionnée ». Elle ne modifie donc pas fondamentalement la situation pour les PME.

L’impossibilité pour les acheteurs publics de réclamer aux entreprises candidates des documents accessibles gratuitement en ligne, et la faculté pour ces acheteurs publics de ne pas demander des documents encore valables qu’ils auraient déjà obtenus dans le cadre d’une précédente procédure d’attribution constitue également un allègement dont profiteront les PME.

Il s’agit d’un gain de temps et d’une économie de moyens qui ne sont pas négligeables pour les très petites entreprises (TPE), mais qui sont moins sensibles pour les structures plus étoffées relevant de la catégorie des PME.

Enfin, le nouveau type de marché que constitue le partenariat d’innovation, créé pour favoriser la recherche et l’innovation dans le cadre de la commande publique, répond à un besoin.

Les nouvelles directives marchés établissent expressément un lien entre l’accès des PME à la commande publique et l’innovation (considérant 124).

Pour autant, l’accès direct à la commande publique des PME ne sera facilité par ce nouveau dispositif que dans les cas de rencontre entre une réelle détermination d’un pouvoir adjudicateur (du fait d’un besoin impératif, ou par volontarisme) et une réelle démarche d’innovation au sein d’une PME. Cette situation idéale devrait rester relativement rare et ne devrait donc pas non plus bouleverser la situation des PME au regard de la commande publique d’une façon générale.

3) L’obligation d’allotir est-elle également une bonne solution ?

La question de l’allotissement doit concilier l’objectif d’accès direct à la commande publique des PME et celui de la bonne réalisation de l’opération de l’acheteur public, lesquels peuvent parfois ne pas coïncider. Si l’article 10 du Code des marchés publics pose le principe de l’allotissement, il prévoit de façon assez large les cas de dérogation à ce principe, ce qui est l’expression d’un pragmatisme bienvenu en la matière.

L’article 10, nonobstant la présentation qui en est parfois faite par la doctrine administrative, ne vise pas d’abord l’optimisation de l’achat public, mais tend plutôt à faire prévaloir l’objectif d’accès direct des PME à la commande publique. Il s’agit de l’instrument d’une politique publique comme peuvent l’être d’autres dispositions du Code des marchés publics (en matière de développement durable).

Au demeurant, on observe que l’ordonnance 2005-649 du 6 juin 2005, applicable aux pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices non soumis au Code des marchés publics, ne comporte pas de dispositions équivalentes ; et des dérogations permettant le recours aux marchés globaux se sont étendues dans divers domaines (hôpitaux, énergie, marchés « performanciels », etc.).

Par ailleurs, il est contradictoire de prôner l’allotissement dans une période de restriction croissante des moyens des collectivités publiques.

Un pouvoir adjudicateur ne disposant pas d’effectifs suffisants pour passer de nombreux marchés et en gérer l’exécution, sera naturellement porté à ne pas allotir, alors même qu’il ne s’agit pas d’une considération légale.

Ainsi qu’on l’a indiqué plus haut, l’accès des PME à la commande publique est freiné ou favorisé par des éléments qui échappent en grande partie à la réglementation, et celle-ci devrait désormais plutôt s’attacher à faciliter le lancement et la bonne réalisation des opérations publiques, pour accélérer l’investissement et la croissance.

De ce point de vue, renforcer l’obligation d’allotissement n’apparaît pas aujourd’hui opportun, d’autant que l’accès à la commande publique ne devrait pas s’entendre comme le seul accès à la commande publique en qualité de contractant principal. Cet accès à la commande publique devrait également s’entendre de toute situation permettant d’être rémunéré par un budget public, c’est-à-dire également de la situation de sous-traitance directe.

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