La force majeure face au COVID-19

La pandémie qui frappe notamment l’Europe et les mesures de confinement prises par de nombreux Etats, dont la France, obligent les particuliers et les entreprises à suspendre ou ralentir leurs activités, faisant peser une menace de récession sur l’économie mondiale.

 

Défi de solidarité

Dès le 28 février 2020, le Ministre de l’économie et des finances, dans une déclaration officielle, a demandé aux grands donneurs d’ordre de faire preuve de solidarité vis-à-vis de leurs fournisseurs et des sous-traitants, qui pourraient avoir de plus en plus de mal à s’approvisionner et à respecter les délais de livraison.

Pour les marchés publics de l’Etat, le Ministre a fait part de la décision de l’Etat de considérer la pandémie et ses conséquences comme un cas de force majeure pour les entreprises : « ce qui veut dire que pour tous les marchés publics de l’Etat, si jamais il y a un retard de livraison de la part des PME ou des entreprises, nous n’appliquerons pas de pénalités ».

Le Ministre a invité les associations de collectivités locales, l’Association des Maires de France, Régions de France, ainsi que les associations Accueil des Villes Françaises (AVF), à en faire de même pour les marchés publics des collectivités locales.

 

La force majeure précisée par la DAJ

La force majeure est principalement un cas d’exonération de responsabilité et une cause de résiliation ou de suspension des contrats. Elle est définie de la manière suivante par l’article 1218 (alinéa 1er) du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février 2016 :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »

A la suite des mesures de confinement imposées à compter du 17 mars 2020, la direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie et des finances, dans une note du 18 mars 2020, a apporté diverses précisions.

Après avoir rappelé que la crise sanitaire entraîne, pour les entreprises, des difficultés exceptionnelles d’exécution des contrats qui peuvent constituer des situations de force majeure que les acheteurs publics doivent prendre en compte, la direction des affaires juridiques a reconnu que de nombreuses entreprises titulaires de marchés publics seront dans l’incapacité de respecter tout au partie de leurs engagements.

Indépendamment des mesures d’exception qui seront adoptées par voie d’ordonnances, la direction des affaires juridiques considère qu’il convient de vérifier que, sous réserve de stipulations contractuelles particulières, les trois conditions cumulatives de la force majeure sont réunies, à savoir l’imprévisibilité, l’extériorité et l’irrésistibilité de l’événement constitué par la pandémie et ses conséquences. Elle considère que les deux premières conditions, imprévisibilité et extériorité, sont réunies.

Pour   la   troisième,   l’irrésistibilité,   l’entreprise   doit   se   trouver,   momentanément   ou définitivement, dans l’impossibilité absolue de poursuivre l’exécution de tout ou partie du marché public, délais, quantité, spécifications particulières.

La direction des affaires juridiques rappelle en conclusion que, « comme le demande le Gouvernement, il est recommandé aux acheteurs publics, eu égard au caractère exceptionnel de la crise, de ne pas hésiter à reconnaître que les difficultés rencontrées par leurs co-contractants sont imputables à un cas de force majeure ».

L’analyse du ministère de l’économie incite d’ores et déjà à considérer comme acquis les critères d’imprévisibilité et d’extériorité. L’entreprise doit cependant pouvoir établir qu’elle est momentanément ou définitivement dans l’impossibilité absolue de remplir ses obligations et en justifier, en démontrant par exemple l’impossibilité de s’approvisionner ou d’assurer la sécurité des salariés (impossibilité de garantir les règles de distanciation, notamment), à charge pour elle de s’en ménager d’ores et déjà la preuve.

L’article 1218 (alinéa 2) du Code civil précise les conséquences de la force majeure. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue, à moins que le retard qui en résulte ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations.

 

Philippe Reigné
Professeur agrégé des facultés de droit
Knowledge Manager
#COVID-19 Manager

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Laurent de Gabrielli
Avocat à la Cour

NMW