L’impact de la crise sanitaire sur les règles de la commande publique

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Lettre BJCPonline

Le droit de la commande publique a été fortement touché par la crise sanitaire et a adapté ses règles aux problématiques engendrées par celle-ci. En effet, face aux difficultés économiques rencontrées par les entreprises, le législateur a voté une loi le 23 mars 2020 en vue d’habiliter le Gouvernement à prendre toute ordonnance utile à l’adaptation du droit des contrats publics.

Après avoir qualifié l’épidémie du Coronavirus de cas de force majeure au sens du droit de la commande publique, le Gouvernement a adopté une ordonnance le 25 mars 2020 visant à soutenir les entreprises en difficulté et à assurer la continuité des approvisionnements durant la période d’état d’urgence sanitaire. Cette ordonnance entendait répondre tant aux préoccupations rencontrées par les acheteurs, qu’à celles rencontrées par les titulaires de contrats publics.

Du point de vue de l’acheteur

Plusieurs situations sont envisagées par l’ordonnance et notamment celles des procédures en cours pour lesquelles l’ordonnance autorise la prolongation des délais de réception des candidatures et des offres d’une durée suffisante pour permettre aux opérateurs économiques de déposer leur dossier dans les temps (art. 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020).

La durée de cette prolongation étant déterminée par l’autorité contractante au regard notamment de la complexité des dossiers à constituer. Toutefois, si la satisfaction du besoin ne peut être retardée, l’autorité contractante peut décider de ne pas consentir de délai supplémentaire.

D’autre part, les autorités contractantes peuvent organiser des modalités de mise en concurrence alternatives à celles prévues initialement dans les documents de la consultation, sous réserve du respect du principe d’égalité de traitement des candidats (art. 3 de la même ordonnance).

En outre, pour les contrats en cours d’exécution, lorsque la durée d’un contrat arrive à échéance pendant l’état d’urgence sanitaire, et qu’une nouvelle procédure de mise en concurrence ne peut être organisée du fait de cette épidémie, le contrat peut être prolongé par avenant (art. 4 de l’ordonnance). Cette prolongation ne pouvait excéder la durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’une part d’une durée de deux mois et d’autre part de la durée nécessaire à la remise en concurrence.

Certains des accords-cadres prolongés dans les strictes limites indiquées ci-dessus, peuvent donc avoir une durée totale supérieure à quatre ans pour les pouvoirs adjudicateurs, huit ans pour les entités adjudicatrices et sept ans pour les marchés de défense et de sécurité, sans que cette prolongation soit contraire aux directives européennes.

De même, les contrats de concession dans le domaine de l’eau potable, des ordures ménagères et autres déchets peuvent se prolonger au-delà de la durée de vingt ans fixée à l’article L. 3114-8 du code de la commande publique, sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’examen préalable du directeur départemental des finances publiques.

Enfin, pour pallier la défaillance du titulaire, l’acheteur peut faire procéder par un tiers à l’exécution des prestations qui ne peuvent souffrir d’aucun retard, alors même que le contrat initial contiendrait une clause d’exclusivité (art. 6, 2° b de l’ordonnance), et cela sans publicité ni mise en concurrence préalable en application des articles R. 2122-1 et R. 2322-4 du code de la commande publique.

Toutefois, cette exécution par un tiers ne peut être effectuée aux frais et risques du titulaire.

Du point de vue du titulaire

Celui-ci peut demander à l’autorité contractante la prolongation du délai d’exécution de son obligation contractuelle initialement prévu lorsqu’il se trouve dans l’impossibilité de le respecter ou que l’exécution dans ce délai entraînerait pour lui un surcoût manifestement excessif (art. 6, 1° de l’ordonnance). En principe, cette prolongation est au moins égale à la durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée de deux mois, sauf accord contraire des parties. Dans ce cas, les éventuels retards dans l’exécution des prestations ou la remise de documents ne peuvent donner lieu à des pénalités de retard.

En ce qui concerne les modalités financières, il est possible pour l’acheteur d’accorder des avances dont le montant excède le plafond de 60% du montant initial du marché ou du bon de commande fixé par l’article R. 2191-8 du code de la commande publique (art. 5 de l’ordonnance). Il dispense également les entreprises de constituer une garantie à première demande lorsque le montant de l’avance versée est supérieur à 30 % du montant du marché ou du bon de commande.

Le cas de la suspension des marchés à prix forfaitaire est également envisagé par l’ordonnance, qui prévoit une exception à la règle du service fait en imposant aux acheteurs de respecter l’échéancier de paiement des prestations dont le montant et la date ont été fixés dans le marché.

Toujours dans un objectif de protection des titulaires contre les aléas du marché, le texte admet que le concessionnaire dont la concession est suspendue du fait de la crise sanitaire peut interrompre le versement des sommes dues à l’autorité concédante. Il en va de même pour tous les contrats portant occupation du domaine public depuis l’ordonnance du 22 avril 2020.

Enfin, en cas de résiliation d’un marché ou d’annulation d’un bon de commande, le titulaire peut être indemnisé des dépenses qu’il a dû spécifiquement engager en vue de l’exécution des prestations annulées (art. 6, 3° de l’ordonnance).

À ce jour, l’état d’urgence sanitaire ayant pris fin le 10 juillet 2020, ces mesures ne sont plus applicables pour les contrats conclus postérieurement au 23 juillet 2020. Toutefois, le Gouvernement tente toujours de temporiser les effets de la crise sanitaire sur les contrats publics en adoptant un décret le 22 juillet 2020 visant à simplifier les procédures de passation des marchés publics et à lutter contre le gaspillage alimentaire.

Ce décret prévoit le relèvement des seuils de dispense de procédure à 70 000 euros HT pour les marchés publics de travaux conclus avant le 10 juillet 2021, et celui des seuils des marchés de denrées alimentaires livrées avant le 10 décembre 2020 à 100 000 euros HT.

Par conséquent, il semble que l’instrumentalisation du droit des contrats publics par le biais des grandes théories telles que la force majeure et l’imprévision, justifiant une adaptation de ce droit, ait permis de soutenir l’économie du pays et d’assurer la stabilité des relations contractuelles durant la période de crise sanitaire.