Pratiques anticoncurrentielles et responsabilité solidaire

La sélection du mois
Les dernières décisions résumées par la rédaction du BJCPonline.

CONTENTIEUX DES CONTRATS PUBLICS

CE 12 octobre 2020, Société Mersen, n°432981

Pratiques anticoncurrentielles – Responsabilité solidaire – Agissements dolosifs – Entente – personnes publique victime – Renchérissement des prix d’entreprise.

Dans quelles mesures une entente dans le cadre d’un marché public peut-elle engager la responsabilité d’un fournisseur externe au cartel ?

Le juge administratif considère que les entreprises dont les pratiques anticoncurrentielles ont eu pour effet d’augmenter le prix de marchés conclus par leurs victimes sont susceptibles d’engager leur responsabilité du fait de ce surcoût, alors même que ces marchés ont été conclus avec des entreprises ne participant pas à l’entente.

CE 12 octobre 2020, Commune d’Antibes, n°431903

Concessions – Défaillance de la société dédiée – Société de l’attributaire prévue par le contrat – Conciliation préalable – Pouvoirs de modulation du juge du contrat.

Quid du recours à une société dédiée et à ses effets sur les relations contractuelles ?

Dès lors qu’une société s’engage à demeurer parfaitement et entièrement solidaire des engagements qui incombent à la société dédiée, cette garantie s’étend à la défaillance de cette dernière. Par suite, la résiliation du contrat conclu entre le pouvoir adjudicateur et la société dédiée liquidée, n’a pas d’effet sur le lien contractuel primaire, et n’exonère pas le cocontractant initial de ses obligations contractuelles.

Le pouvoir adjudicateur doit-il appliquer l’obligation de conciliation préalable en cas de différend avant de prononcer les sanctions et d’émettre les titres de recettes correspondants ?

Le Conseil d’État juge qu’en cas de contestation portant sur le montant du solde du contrat public, l’application des pénalités qui ont été contractuellement prévues ne doit pas être considérée comme portant sur l’application ou l’interprétation du contrat, de sorte qu’un titre exécutoire peut être émis pour leur recouvrement sans recourir préalablement à la conciliation.

Quelle est la portée du pouvoir de modulation des pénalités contractuelles du juge du contrat dans le cadre des concessions ?

Le Conseil d’État considère que lorsqu’il est saisi d’un litige entre les parties à un contrat public, le juge doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat. Mais s’il est saisi de conclusions en ce sens par une partie, il peut, à titre exceptionnel, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations.

S’agissant des concessions, l’arrêt commenté ajoute que ce pouvoir de modulation est notamment apprécié « eu égard au montant du marché ou aux recettes prévisionnelles de la concession, y inclus les subventions versées par l’autorité concédante, et compte tenu de la gravité de l’inexécution constatée ».

Les brèves de la revue BJCP
L’actualité jurisprudentielle du droit des contrats publics sélectionnée par le comité de rédaction du BJCP.

THÉORIE GÉNÉRALE DES CONTRATS

CE 9 juin 2020, Métropole Nice Côte-d’Azur, nos436922, 436925 et 436926

Est-il possible, pour une collectivité publique non encore compétente sur un objet, d’engager une procédure de passation de contrat de la commande publique sur cet objet ? L’autorité concédante est-elle tenue de pondérer les critères de sélection des offres ?

Procédure de passation d’un contrat de la commande publique – Transfert de compétence entre autorités publiques – Compétence de la collectivité bénéficiaire du transfert pour engager la procédure avant le transfert – Oui. CONCESSIONS / DÉLÉGATIONS DE SERVICES PUBLICS – Hiérarchisation ou pondération des critères – Liberté de l’autorité concédante.

Lorsqu’une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l’exécution d’un contrat de la commande publique, notamment parce qu’elle est en cours de création ou de transformation ou parce qu’une procédure, par laquelle la compétence nécessaire doit lui être dévolue, est déjà engagée, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu’elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu’elle n’est pas encore compétente à cette date pour le conclure.

Il en va notamment ainsi lorsque le contrat en cause a pour objet la gestion d’un service public. Il appartient seulement à la personne publique de faire savoir, dès le lancement de la procédure de passation, que le contrat ne sera signé qu’après qu’elle sera devenue compétente à cette fin.

Une personne publique peut par ailleurs signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l’absence de vice propre, entachée d’irrégularité. L’autorité concédante n’est pas tenue de procéder à la pondération des critères d’attribution des offres et a pour seule obligation d’indiquer et de décrire ces critères et, pour les concessions supérieures aux seuils européens, de les hiérarchiser.

MARCHÉS PUBLICS

CE 10 juin 2020, Ministre des Armées c/ Sociétés Erics et Altaris, n°431194

Le pouvoir adjudicateur peut-il librement déterminer la pondération des critères de choix de l’offre ?

Passation – Choix de l’offre – Critères – Pondération – Liberté du pouvoir adjudicateur – Limite – Interdiction de retenir une pondération qui ne permettrait manifestement pas de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse.

Il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères permettant d’apprécier la performance globale des offres au regard de ses besoins. Ces critères doivent être liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, être définis avec suffisamment de précision pour ne pas laisser une marge de choix indéterminée et ne pas créer de rupture d’égalité entre les candidats.

Le pouvoir adjudicateur détermine librement la pondération des critères de choix des offres. Toutefois, il ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse.