La notion de bien de retour dans les concessions et la propriété des tiers

Anne Constantini
Avocate associée
Astoria

Sans reprendre de manière exhaustive la classique trilogie des biens dans les concessions – bien de retour, bien de reprise et bien propre – il convient de rappeler que l’article L. 3132-4 du code de la commande publique précise : « Lorsqu’une autorité concédante de droit public (…) a concédé la gestion d’un service public : 1° Les biens, meubles ou immeubles, qui résultent d’investissements du concessionnaire et sont nécessaires au fonctionnement du service public sont les biens de retour. Dans le silence du contrat, ils sont et demeurent la propriété de la personne publique dès leur réalisation ou leur acquisition (…) »

En conséquence, les biens résultant des investissements du concessionnaire et nécessaires au service public sont des biens de retour réputés appartenir ab initio à l’autorité concédante.

Se pose toutefois la question du sort des biens dédiés à l’exécution du service public et appartenant à des tiers, et plus précisément, des biens nécessaires au fonctionnement du service public, appartenant à des tiers, mais réalisés pour les besoins de la concession ?

Le sort des biens acquis avant la passation de la concession par le délégataire et affectés au service public

Le célèbre arrêt rendu par le Conseil d’État le 29 juin 2018, Ministère de l’Intérieur c/ Communauté de Communes de la vallée de l’Ubaye (n°402251), fait état de l’hypothèse selon laquelle le concessionnaire était propriétaire, avant la passation du contrat, de biens qui ont été affectés au fonctionnement du service public et qui sont nécessaires à celui-ci.

Dans cette hypothèse également, les biens concernés sont réputés appartenir ab initio à la personne publique et lui faire un retour gratuit dans son patrimoine.

Ce raisonnement a été repris par la Cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 28 février 2023 (n°21BX01167), Commune de Sanhilac, mais elle précise, qu’au cas d’espèce, l’équipement siège du service public, à savoir un crématorium, ne saurait être considéré comme un bien de retour, dans la mesure où il appartient à un tiers à la concession.

Sont ainsi exclus de la catégorie des biens de retour les biens appartenant à des tiers, quand bien même ils auraient été mis à disposition du concessionnaire, affectés à l’exploitation du service public et nécessaires à son fonctionnement.

La notion de tiers au contrat de concession et la question des liens capitalistiques avec le concessionnaire

Dans l’affaire précitée, le propriétaire de l’équipement a conclu, concomitamment avec la conclusion de la concession, un bail avec l’exploitant, en présence de la collectivité.

Se fondant sur la qualité de tiers du propriétaire, la Cour d’appel a alors considéré que le bail, allié au contrat de concession, ne sauraient former un ensemble contractuel emportant, dès lors, la qualification de bien de retour du crématorium en cause.

Toutefois, on relèvera dans cette affaire que le propriétaire de l’équipement n’est autre que le gérant de la société titulaire du contrat de concession.

Dans une autre espèce également, en matière de casino cette fois, le Tribunal administratif de Marseille, dans un jugement en date du 8 avril 2024 (n°230694), statue dans le même sens : le casino, siège de l’activité de service public, ne saurait être qualifié de bien de retour au motif qu’il serait la propriété de la société Partouche Immobilier, filiale détenue à 100 % par l’exploitant, titulaire de la concession.

Sous cette affaire, le rapporteur public vient préciser : « Ainsi, indispensable au fonctionnement du service public, le bâtiment du casino a toutes les caractéristiques d’un bien de retour, sauf la principale : celle d’appartenir à la commune à défaut d’avoir été un investissement du délégataire. La circonstance qu’il soit la propriété d’une personne privée extérieure à la concession fait obstacle à sa qualification de bien de retour (ex : CE 23 janvier 2020, Société touristique de la Trinité, n° 426421). »

On comprend ici le raisonnement qui consiste à ne pas transférer dans le patrimoine de la personne publique un ouvrage appartenant à un tiers à la concession. Toutefois, doit on considérer que la seule qualité de tiers saurait faire obstacle à la qualification de bien de retour, alors même que le propriétaire de l’ouvrage fait partie du même groupe de sociétés que le concessionnaire ?

En un mot, un simple artifice capitalistique suffit-il à faire obstacle à la qualification d’ordre public de bien de retour, siège du service public et nécessaire à ce dernier, réputé appartenir ab initio à la personne publique ?

Le Conseil d’État n’a pas encore rendu de décision topique sur ce sujet et pourtant de nombreux secteurs d’activité demeurent dans l’attente d’un arrêt de la Haute Juridiction.