Renouvellement des contrats d’assurances des organisations publiques : le retour aux fondamentaux de l’assurance

L’année 2019 a marqué une tendance forte des renouvellements des contrats d’assurance sur le marché français. Tous les signes d’un renversement sont apparus : hausse des prix, restrictions de garanties et raréfaction des offres ou limitation des engagements des compagnies. Tous les assureurs ont engagé un processus net de redressement de leurs comptes et de leurs ratios de solvabilité. Cet inversement de tendance s’est confirmé sur les renouvellements de l’année 2020 et devrait perdurer en 2021.

L’assurance, de la physique-chimie ? Un cycle et des réactions

Le marché de l’assurance est un marché cyclique qui a connu de 2001 à 2003 un redressement spectaculaire aux causes mémorables : tempêtes de 1999, attentats du 11/09, explosion de l’usine AZF… A partir de 2003, un cycle continu en faveur des assurés s’est installé avec des causes multiples : une baisse continue du montant des primes due à une augmentation des capacités des assureurs et, malgré des cyclones survenus en Amérique et en Asie, une sinistralité mondiale impactant faiblement les réassureurs.

Pour développer leurs affaires dans un contexte concurrentiel, les assureurs sont tentés par des pratiques commerciales agressives. Peu importe donc que les résultats techniques soient déficitaires, pourvu que l’ensemble soit équilibré. En revanche, s’il arrive une période de baisse des revenus financiers, ou une augmentation forte des sinistres payés ou provisionnés (événements naturelles, litiges de l’amiante, RC…), les assureurs, encouragés par leurs réassureurs, n’ont plus guère de choix qu’une augmentation des primes, généralement accompagnée d’une restriction des garanties et d’une réduction des capitaux assurés.
Le cycle baissier a commencé son « atterrissage » à la suite d’événements naturels fortement impactant pour les assureurs et réassureurs mondiaux : les tempêtes Irma et Harvey ont conduit à des pertes estimées à 150 Mds $ alors que la tempête Katrina de 2005 n’avait causé « que » 45 Mds $ de pertes.

Trois éléments viennent par ailleurs impacter le cycle :

– Les rendements des branches longues et courtes : les primes perçues sont placées, apportant une source de revenus supplémentaires aux assureurs. Ces investissements sont proportionnellement plus importants sur les branches à déroulement long comme la RC ou en construction, puisque le sinistre, lorsqu’il survient, n’est indemnisé que plusieurs années après la perception de la prime. Dans les branches à déroulement court, comme le dommages et les flottes auto, les primes sont moins soumises aux placements.

– Les taux bas : l’environnement de taux très bas dégrade le rendement des provisions et la solvabilité des assureurs. Les taux bas amputent le rendement des portefeuilles de placement évoqué ci-dessus qui est une part non négligeable de leur résultat. Quand ils baissent, ils sont obligés de se rattraper sur les tarifs et la politique de souscription. Et quand ils ne rémunèrent pas le capital il faut donc des résultats techniques positifs.

– Les sinistres : depuis quelques années les sinistres sont à la hausse, les événements naturelles (Irma, Maria, Harvey en 2017) et le retour des incendies en France chez les industriels (Lubrizol…) ont provoqué une forte hausse des indemnisations.

Cet environnement mondialisé conduit à impacter les marchés locaux ou de niches tels que le marché de l’assurance des organisations publiques en France. Avec une baisse ininterrompue des prix sur une très longue période, le marché a pris de mauvaises habitudes. Ainsi, à chaque fois qu’un dossier était présenté, mis en concurrence, une baisse était obtenue (sauf cas particuliers des dossiers à forte sinistralité). Ce temps est révolu et il faudra désormais davantage prendre le temps de l’analyse, bâtir une stratégie et la vérifier par modélisation en fournissant des alternatives et des outils d’aide à la décision pour permettre aux membres de commissions délibérantes de faire un choix éclairé.

Il faut désormais retrouver les compétences et les réflexes requis dans un marché tendu et haussier :
– renforcer les mesures de prévention et les mettre en valeur dans son dossier technique de consultation des assureurs ;
– améliorer la qualité des dossiers présentés en développant l’argumentaire technique et une documentation adaptée ;
– justifier les stratégies prises par la collectivité pour piloter son programme d’assurance.

Les conséquences de ce retournement de marché sur le lancement d’un marché public d’assurances sont nombreuses : choix de la procédure, anticipation du renouvellement, pilotage de la prévention, échanges avec les élus, rédaction des cahiers des charges…
L’objectif de l’acheteur public n’est plus de réussir la passation de son marché public mais bien de souscrire des contrats d’assurances correspondant à cette période inédite de retour aux fondamentaux de l’assurance.

NB : c’est bien volontairement que cet article ne fait aucune référence à la pandémie mondiale. Les éléments techniques, économiques et financiers qui expliquent les raisons du redressement existaient avant la crise sanitaire, celle-ci venant ajouter une couche d’incertitude sur les comptes des compagnies d’assurance.

 

Par Tanguy LEFEBVRE

Titulaire d’un double diplôme en Droit Public des Affaires et Droit des Collectivités Territoriales, Tanguy LEFEBVRE a exercé pendant 7 ans au sein du 1er cabinet de conseil en assurances auprès des organismes publics. Après une expérience internationale à Madagascar au sein d’une Université comme enseignant en Droit, il a rejoint en 2014 le monde du courtage en assurances. Aujourd’hui Directeur de Bureau Régional pour le compte du 1er courtier français, il intervient comme Directeur de clientèle auprès d’organisations privées et publiques en mettant à profit sa connaissance des liens juridiques et économiques entre les entreprises et les collectivités ou établissements publics.

 

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