La sélection du mois
Les dernières décisions résumées par la rédaction du BJCPonline.
MARCHÉS PUBLICS
CE 18 mai 2021, Régie des transports métropolitains, req. n°442530
Les fautes du cocontractant d’un marché public passé avec l’administration peuvent-elles réduire son droit à indemnisation ?
Si une résiliation unilatérale d’un marché public intervient du côté de l’administration, le cocontractant est en droit de lui réclamer une indemnisation. Ce n’est toutefois pas sans tenir compte des fautes éventuellement commises, indique le Conseil d’État dans cette décision rendue le 18 mai dernier à l’occasion d’une affaire opposant l’établissement public marseillais Régie des transports métropolitains à la société Alapont France. La cour administrative d’appel de Marseille avait accordé une indemnisation à la société privée, tenant compte d’une appréciation jugée sans gravité des fautes commises et non susceptible de refuser une indemnisation. Le Conseil d’État a cassé l’arrêt rendu, affirmant au contraire que, sans tenir compte d’une quelconque gravité, une faute commise pouvait donner lieu à une réduction du droit à l’indemnisation pour résiliation unilatérale.
Les brèves de la revue BJCP
L’actualité jurisprudentielle du droit des contrats publics sélectionnée par le comité de rédaction du BJCP.
CONCESSIONS / DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC
CE 12 octobre 2020, Commune d’Antibes, n° 431903
Quelles conséquences tirer d’une défaillance de la société dédiée ? Les pénalités constituent-elles un « différend contractuel » soumis à conciliation et peuvent-elles être modulées ?
Concessions – Exécution technique et financière – a) Défaillance de la société dédiée – Solidarité de l’attributaire – Existence. b) Notion de différend contractuel – Usage d’un procédé prévupar le contrat pour assujettir le concessionnaire au paiement d’une redevance – Absence – Sanctions pécuniaires prévues par le contrat – Absence. c) Pouvoir de modulation des pénalités par le juge – Modalités d’appréciation du caractère manifestement excessif des pénalités – Cas d’une concession – Prise en considération des recettes prévisionnelle, y compris les subventions versées par l’autorité concédante.
- Contrat de concession prévoyant son exécution par une société dédiée dont la société attributaire demeure solidaire. En cas de liquidation de la société dédiée, la société attributaire demeure solidairement tenue à l’exécution du contrat, alors même que le liquidateur de la société dédiée aurait indiqué le résilier.
- Contrat comportant une clause selon laquelle l’autorité délégante et le délégataire doivent, avant de saisir le juge d’un différend résultant de l’interprétation ou de l’application du contrat, tenter une conciliation. D’une part, l’émission d’un titre de recettes constitue le procédé prévu par le contrat pour assujettir le concessionnaire au paiement de la redevance d’occupation du domaine public due annuellement. L’autorité concédante ne peut dès lors être regardée comme ayant, en émettant un titre exécutoire à cette fin, entendu régler un différend sur l’application ou l’interprétation du contrat. D’autre part, une autorité concédante ne peut être regardée, en ce qu’elle a mis en oeuvre les sanctions pécuniaires prévues par le contrat faute pour le concessionnaire de remplir ses obligations contractuelles, comme ayant eu un différend sur l’application ou l’interprétation du contrat.
- Lorsqu’il est saisi d’un litige entre les parties à un contrat de la commande publique, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat. Il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché ou aux recettes prévisionnelles de la concession, y inclus les subventions versées par l’autorité concédante, et compte tenu de la gravité de l’inexécution constatée.
CE 6 novembre 2020, Commune de Saint-Amand-les- Eaux c/ SA du casino de Saint-Amand-les- Eaux, nos 437946 et 437975
L’autorité concédante doit-elle définir avec précision la nature et le niveau d’investissement attendus de la part des candidats ? L’autorité concédante peut-elle imposer aux candidats la mise à disposition d’un ouvrage moyennant un loyer à verser au concessionnaire sortant ?
Concession – Définition de la nature et de l’étendue des besoins à satisfaire – Absence d’obligation pour l’autorité concédante d’indiquer l’étendue et le détail des investissements. Principe d’égalité entre les candidats – BEA – Réalisation d’un casino – Règlement d’un loyer au concessionnaire sortant – Illégalité.
- L’autorité concédante doit apporter aux candidats à l’attribution d’une concession, avant le dépôt de leurs offres, une information suffisante sur la nature et l’étendue des besoins à satisfaire. Il lui appartient à ce titre d’indiquer aux candidats les caractéristiques essentielles de la concession et la nature et le type des investissements attendus ainsi que les critères de sélection des offres. S’il est loisible à l’autorité concédante d’indiquer précisément aux candidats l’étendue et le détail des investissements qu’elle souhaite les voir réaliser, elle n’est pas tenue de le faire à peine d’irrégularité de la procédure. Il lui est en effet possible, après avoir défini les caractéristiques essentielles de la concession, de laisser les candidats définir eux-mêmes leur programme d’investissement, sous réserve qu’elle leur ait donné des éléments d’information suffisants sur la nécessité de prévoir des investissements, sur leur nature et leur consistance et sur le rôle qu’ils auront parmi les critères de sélection des offres.
- En imposant aux candidats au renouvellement de la concession le versement d’un loyer en contrepartie de la mise à disposition de l’ouvrage réalisé par le concessionnaire sortant, titulaire d’un BEA en cours d’exécution, alors qu’il lui appartenait de résilier celui-ci au terme du premier contrat de concession, avec lequel il formait un tout indivisible, et de prévoir, dans la nouvelle convention, les modalités d’occupation du domaine public, l’autorité concédante a méconnu le principe d’égalité de traitement des candidats.
CONTENTIEUX DES CONTRATS PUBLICS
Conseil constitutionnel, QPC 2 octobre 2020, Société Bâtiment mayennais, n° 2020-857
Le droit du référé contractuel devant le juge judiciaire est-il conforme à la Constitution ?
Référé contractuel – Procédure devant le juge judiciaire – Ordonnance du 7 mai 2009 – Conformité à la Constitution – Oui – Absence d’atteinte disproportionnée au droit constitutionnel à un recours juridictionnel effectif – Absence de méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
Si les mécanismes du référé précontractuel devant le juge judiciaire portent atteinte au droit constitutionnel au recours reconnu à l’article 16 de la DDHC de 1789, cette atteinte n’est pas disproportionnée – et n’est donc pas contraire à la Constitution – dès lors, d’une part, qu’en limitant les cas d’annulation des contrats de droit privé de la commande publique aux violations les plus graves des obligations de publicité et de mise en concurrence, le législateur a entendu éviter une remise en cause trop fréquente de ces contrats après leur signature et assurer la sécurité juridique des relations contractuelles, et que,d’autre part, les personnes ayant intérêt à conclure un contrat de droit privé de la commande publique peuvent, avant sa signature, former un référé précontractuel et que les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce qu’un candidat irrégulièrement évincé exerce, parmi les voies de recours de droit commun, une action en responsabilité contre la personne responsable du manquement dénoncé.
Par ailleurs, si les candidats évincés d’un contrat privé de la commande publique ne bénéficient pas devant le juge judiciaire d’un recours identique au recours Tarn-et-Garonne devant le juge administratif, les contrats administratifs et les contrats de droit privé répondent à des finalités et des régimes différents. Ainsi, les candidats évincés d’un contrat privé de la commande publique sont dans une situation différente des candidats évincés d’un contrat administratif de la commande publique. Dès lors, la différence de traitement dénoncée, qui est en rapport avec l’objet de la loi, ne méconnaît pas, en tout état de cause ,le principe d’égalité devant la loi.