Contrats et finances publics : les liens étroits d’un mariage malheureux

Marchés privés de travaux et commande publique

Éric Landot
Avocat

Contrats administratifs et finances publiques se trouvent unis par les liens du droit et de la pratique. Mais ce mariage reste marqué par une nette séparation de corps.

Les contrats ne porteront que rarement sur les finances publiques elles-mêmes [1] : plus encore, par exemple, il est illégal en France, voire pénalement sanctionné, qu’un contrat plafonne, par exemple, la fiscalité [2] : tout au plus des conventions de partage existent-elles en ce domaine [3].

La relation inverse est plus étroite, tant les finances publiques s’imposent d’abord comme paramètres lors des choix contractuels (I) et, ensuite, au fil de l’exécution desdits contrats (II).

Mais c’est donc une relation déséquilibrée, où les finances impactent les contrats et non l’inverse.

I. Les finances publiques, paramètres des choix de contrats

Les montages contractuels se trouvent souvent pris en étau par les finances publiques. Certes, c’est un truisme que de le noter. Mais une erreur commune consiste à voir dans les finances publiques un robinet plus ou moins ouvert : c’est souvent une grave omission des relations plus complexes que peuvent entretenir ces deux mondes, au point que les opportunités en finances publiques peuvent se révéler déterminantes.

C’est le cas notamment en matière de fiscalité et de dotations (I.A.), mais aussi d’externalisation de la dette (I.B.).

I.A. Fiscalité et dotations

I.A.1. TVA

Le choix entre régies, SPL, SEMOP ou contrats usuels en fournit une première illustration. Nombre d’activités en service public administratif peuvent se retrouver soudain majorées, pour la personne publique, d’un surcoût de TVA non récupérable, juste parce qu’une régie personnalisée est devenue, par exemple, une société publique locale (SPL). Naturellement, un tel basculement est sans effet pour ceux des services (en général industriels et commerciaux) pour lesquels la collectivité peut opter pour un budget avec TVA (avec donc pour elle récupération de la TVA décaissée)[4].

I.A.2. Fiscalité

Restons sur les SPL : il est fréquent d’être indifférent au point de savoir si on conclura un marché public, un affermage ou une concession intégrale avec la SPL dont on est actionnaire. À ceci près qu’en cas de concession intégrale, il importera de voir si les différences de politique d’amortissement entre la comptabilité publique et la comptabilité privée ne conduisent pas à un excédent considérable et imprévu pour la société, au point que celle-ci se trouve fortement imposée à l’impôt sur les sociétés[5]. Pour l’avoir oublié, une SPL en matière d’eau d’une agglomération du littoral s’est retrouvée avec une fiscalité salée… Ce n’est pas le seul paramètre fiscal propre aux choix de modes de gestion bien sûr (que l’on pense par exemple aux taxes sur les salaires…).

I.A.3. FCTVA et autres dotations

Plus surprenant encore, le choix entre TVA et fonds de compensation de la TVA (FCTVA) sur la section d’investissement, fait pour être neutre, et qui peut se révéler déterminant pour certains montages contractuels : il s’agit de ceux qui ne font pas perdre le FCTVA [6] et qui se trouvent dans le monde ultramarin (où l’on a un taux de TVA réduit voire nul, avec pourtant récupération du FCTVA à taux plein). Combiné avec divers financements classiques (subventions, dotations…), l’effet de levier sur l’investissement peut se révéler considérable.

S’y ajoutent au cas par cas d’autres optimisations de dotations, voire d’autres financements (des agences de l’eau par exemple), selon un cadre juridique qui a fortement évolué dans le temps sur le point de savoir si de telles aides peuvent, ou non, avoir un impact sur les choix de mode de gestion [7]. De tels effets induits se trouvent souvent cachés dans les recoins les plus osbcurs des codes en vigueur, tel par exemple que ceux résultant du mode de calcul du coefficient d’intégration fiscale en intercommunalité à fiscalité propre pour la compétence assainissement [8].

I.A.4. Défiscalisation

Outre-mer toujours, voire parfois dans l’hexagone, la vogue fut longtemps de profiter de divers dispositifs contractuels avec défiscalisation : le privé, en concession, ou en contrat de partenariat, portait l’investissement financé avec recours à des défiscalisations (lois Pons, Paul, Girardin, Lodeom[9], etc.). Hélas, en tant qu’avocats, nous avons eu plus à connaître des dysfonctionnements de ces mécanismes, souvent conditionnés à des dates de réception d’ouvrages fragilisantes, qu’à leurs succès.

I.B. Externalisation de la dette

I.B.1. Un paradoxe apparent

Enfin, se pose la question de l’externalisation, ou non, de la dette via les contrats publics. Cette externalisation de la dette peut être politiquement intéressante car peu visible (même des agences de notation !)… mais ce n’est pas un argument très vertueux ni justifiable à long terme

À la base les entreprises empruntent plus cher que les collectivités : l’intérêt, de ce strict point de vue, des nombreux contrats qui externalisent la dette (concession intégrale ; emphytéoses, marchés de partenariat…) peut de prime abord sembler plus faible (d’où l’importance d’une assistance financière lors de la négociation).

I.B.2. Des paramètres complexes qui conduisent à des choix au cas par cas

Mais ces contrats (avec de fortes différences selon les montages retenus) peuvent :

  • souvent être bâtis avec de telles garanties[10] (notamment pour l’établissement financier, même en cas de résiliation) que les taux d’intérêts consentis se rapprochent de ceux de la maîtrise d’ouvrage publique.
  • optimiser l’intérêt, dans certains cas, que le constructeur soit celui qui fait l’exploitation ou au minimum l’entretien (engagements sur la performance énergétique, mais paiement ensuite des factures d’énergie par le cocontractant par exemple ; cas classique aussi des crématoriums par exemple ou tout autre service public où la qualité des entretiens et réparations usuelles a un impact énorme sur les futurs investissements de renouvellement).
  • parfois dépasser en durée celle consentie par les établissements financiers pour les emprunts publics, ce qui peut être vertueux si cela permet de caler une durée de vie du contrat (et de financement de l’équipement) sur la durée prévisionnelle de vie réelle des biens.

Reste ensuite, une fois le contrat conclu, à faire vivre — y compris financièrement — la relation. Et, alors, ces liens étroits entre deux partenaires qui en réalité s’ignorent, conduisent souvent à un entre-ligotage qui n’amuse que les amateurs du genre.

II. Une fois la convention conclue, une vie de couple houleuse

Au fil de la vie contractuelle, finances et conventions se trouvent mariées. Mais ce ménage s’avère rarement heureux. Chacun est une contrainte pour l’autre. Les finances peuvent parfois servir un cocontractant ou l’autre, mais le plus souvent elles cheminent par des vies séparées qui interagissent de manière parfois surprenante (II.A). Les contraintes du droit financier font, surtout, figure de difficultés communes (II.B) en termes d’avenantabilité, de gestion de fait comme d’exécution.

II.A. Des vies séparées

Les finances publiques peuvent parfois servir l’un ou l’autre des cocontractants mais, la plupart du temps, ces deux mariés sont, y compris procéduralement, en totale séparation de corps.

II.A.1. Finances et résiliation pour motif d’intérêt général

Une illustration en fut donnée, par exemple, via un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand [11], admettant une résiliation d’une concession pour un motif d’intérêt général tiré des difficultés budgétaires du concédant, avec à la clef une indemnisation qui pour être intégrale, n’en est pas moins parfois avantageuse. Un autre TA a admis la résiliation pour motif d’intérêt général, dans des conditions peu favorables à toute indemnisation, d’un marché d’économies d’énergie avec rémunération sur les résultats [12]. Il n’est pas jusqu’au termes anticipés des contrats fondés sur la fameuse jurisprudence Olivet [13] qui ne fondent un lien entre arrêt du contrat et période d’étalement des amortissements.

II.A.2. Télescopages procéduraux

Mais dans d’autres cas, les procédures financières et contractuelles peuvent se télescoper avec difficultés : ainsi une somme accordée en référé-provision, à verser par une administration au terme d’un litige d’exécution contractuelle, peut-elle être irrécupérable même quand ladite administration gagne ensuite au fond [14] ?

Surtout, les voies purement liées aux recours contractuels et aux litiges financiers peuvent s’avérer fort distinctes. Ainsi le Conseil d’État a-t-il précisé qu’un titre exécutoire peut être émis pour le recouvrement de pénalités, même sans respect de la clause de conciliation obligatoire prévue au contrat [15].

Cette vie séparée des procédures issues du droit financier et du droit contractuel s’atténue parfois cependant. Ainsi le Conseil d’État a-t-il amendé en 2020 [16] sa jurisprudence traditionnelle [17] sur l’interdiction, contre un cocontractant de l’administration, à la fois d’engager un recours contentieux et d’émettre un titre de recettes, en un domaine qui peut d’ailleurs se révéler fort piégeux [18].

II.B. Des difficultés communes

Ceci dit, la plupart du temps, finances et contrats conduisent à des difficultés communes du fait de leur faible conciliation.

II.B.1. Avenantabilité

Les règles d’avenantabilité des contrats en marchés publics [19] ou en concession [20] sont d’une redoutable exigence, comme nul ne l’ignore en ces temps de pandémie, puis de guerre et de difficultés d’approvisionnement, puis d’inflation. Et même si le Conseil d’État[21], dans un avis non contentieux, vient d’assouplir ses interprétations en la matière, tant pour les évolutions des prix que pour la mise en œuvre pratique d’éventuelles indemnités d’imprévision, il n’en demeure pas moins, pour les praticiens, de considérables difficultés à adapter les contrats à l’évolution des questions financières générales, privées et publiques.

II.B.2. Gestion de fait

Aux termes de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963, puis de l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, seuls les comptables publics peuvent recouvrer des recettes publiques. Celui qui s’y immisce est comptable de fait (gestionnaire de fait), selon un régime qui demeure par delà la mise en œuvre d’un tout nouveau régime, unifié, de responsabilité des ordonnateurs et des comptables (patents ou de fait) au premier janvier 2023 [22].

Cela dit, les personnes publiques : « recourent depuis de nombreuses années à des tiers pour le paiement de leurs dépenses ou l’encaissement de leurs recettes par la voie du mandat de l’article 1984 du code civil. Ces tiers cocontractants interviennent donc à la place du comptable public sans pour autant avoir été désignés régisseurs. Cette pratique a prospéré sans encadrement réglementaire » [23].

Les mandats ainsi accordés par les comptables publics à des tiers pour le recouvrement de leurs recettes étaient favorablement accueillis par la Cour des comptes [24]. Le Conseil d’État a mis fin à ces souplesses [25] : il en a résulté d’assez nombreuses gestions de fait [26].

L’article 22 du décret n° 2012-1246 du 27 novembre 2012 est venu préciser que, dans les cas et dans les conditions prévues par la loi, une personne morale de droit public pouvait, après avis du comptable assignataire, confier par convention de mandat la gestion d’opérations d’encaissement ou d’opérations de paiement à une autre personne morale de droit public. Puis, l’article 40 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 est venu élargir la possibilité d’accorder des mandats.

Depuis cette loi n°2014-1545, l’article L. 1611-7-1 du CGCT[27] prévoit pour les collectivités territoriales qu’un contrat suffit dorénavant à porter habilitation du cocontractant pour percevoir des redevances de stationnement sans que la création d’une régie de recettes ne soit imposée, sous réserve d’un avis conforme du comptable public et d’un contrôle ponctuel. Pour l’État et ses établissements, s’applique, dans le même sens, l’article 40, non codifié, de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014.

Donc, dans la plupart des cas, nous avons la solution pour l’avenir : faire une régie de recettes (solution en régie) ou de dépenses, voire une convention de mandat (au profit d’une personne publique ou privée ; voire en régie personnalisée).

Mais pour l’existant, force est de constater que les difficultés restent considérables [28], notamment pour nombre de contrats de concession. Un arrêt du 30 décembre 2021 [29] du Conseil d’État nous enseigne ainsi que :

  • les conventions de mandat préexistantes à la loi de 2014 devaient être mises à jour au plus tard lors de leur renouvellement, mais faute de date de renouvellement, c’est « sans délai » (ou en tous cas à bref délai car le juge eût sans doute accepté un « délai raisonnable ») que cette mise à jour eût du être faite ;
  • ce régime s’applique aux conventions de séquestre et aux autres conventions proches ;
  • ne pas respecter les termes essentiels de la convention de mandat, c’est encore commettre une gestion de fait ;
  • en ces domaines, le juge peut être sévère pour un comptable de fait de « brève main », mais aussi pour un comptable de fait indirect, « de longue main » (application à ce dernier, alors même qu’il aurait cessé ses fonctions peu après le début de la période non prescrite et que, pour l’essentiel de cette période, elle n’était plus en fonction).

Pour des considérations de flux financiers, donc, nombre de contrats doivent incorporer des mandats (ou des régies de recettes parfois) dans des conditions plus strictes qu’avant 2007 et 2009. Là encore, le droit financier a compliqué de manière inattendue la vie, déjà rarement paisible même sans cela, du droit contractuel.

II.B.3. Exécution

Enfin, lister les difficultés d’exécution des contrats publics tirées du droit financier nécessiterait une thèse de doctorat à tout le moins. Citons en juste quelques exemples :

  • débats infinis sur les provisions en fin de concession  [30];
  • agacement de nombre de cocontractants sur l’interdiction de transiger en certains domaines financiers [31];
  • grandes difficultés à gérer en droit des contrats certaines clauses financières, notamment les primes de résultats intervenant après l’expiration du contrat [32] ou encore les remboursements des avances accordées à un sous-traitant en cas de résiliation du marché principal [33].

Conclusion : de l’impossibilité d’une union harmonieuse entre ceux qui ne regardent pas ensemble dans une même direction

Le contrat n’encadre donc que rarement les finances publiques [34] alors que celles-ci imposent largement, et de manière complexe, leurs paramètres à la formation des contrats (I) avant, le plus souvent, que d’en perturber la vie quotidienne (II). Contrats et finances publics se trouvent donc liés, mais dans un rapport qui évoque plus le ligotage que l’amour tendre. Nulle surprise à ce constat : si « aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction » [35], alors il est logique que contrats et finances publics se trouvent mal mariés. Le premier par principe repose sur une commune volonté des cocontractants. Le second est unilatéral par principe même. Le premier cherche la souplesse. Le second fonde sa vertu et son efficacité dans sa rigidité. Et pourtant, ces deux mariés ne peuvent se séparer. Et un contrat gagne toujours à avoir été bien pensé en termes financiers. Tout le défi pour celui qui décrit ce couple maudit consiste ainsi à n’en pas dégouter le lecteur, alors même que son matériau n’a pas les charmes des autres duos damnés que furent Tristan et Iseut, ou encore Roméo et Juliette.

[1] Avec de notables exceptions, autrefois par exemple via les contrats de pays ou d’agglomération de la loi Voynet  du 25 juin 1999, récemment avec les contrats de Cahors (pour lesquels il est piquant de jeter un coup d’œil à  TA Bordeaux, 21 décembre 2020, n° 1805138 1906244 ) qui pourraient renaître sous la forme des « place aux pactes de confiance » (projet de loi de finances pour 2023, Conseil des Ministres du 26 septembre 2022).

[2] Certains de nos voisins européens permettent en revanche, à une collectivité locale de créer ou ajuster son propre droit fiscal, même par contrat, notamment pour favoriser les implantations d’entreprises (« ruling », cas classique de la clause de remboursement de montants d’impôts, si ceux-ci augmentent pendant cinq ou dix ans, clause légale dans nombre d’États et impossible en France). Une telle pratique, qui n’était pas si rare dans les années 90, est condamnée par les dispositions de l’article 432-10 du Code pénal (délit de concussion). Voir par analogie Cass. crim., 31 janvier 2007, n° 06.81273 ou Cass.crim, 19 mai 1999 : Bull. crim, n°100, CE, 23 mars 1988, Ville de Puteaux, req. n° 37420, TA Poitiers, ord., 27 avril 2016 , n° 1600765.

[3] Existent de rares et notables exceptions, essentiellement entre personnes publiques. Voir par exemple le régime, souvent modifié, toujours en vigueur, de l’article 11 de la loi 80-10 du 10 janvier 1980.

[4] D’autant qu’il n’est pas rare que l’on mette des années à y voir clair dans les régimes de TVA applicables. Voir pour les centres aquatiques les décennies qu’il a fallu pour aboutir à la relative stabilisation marquée par la décision CE, 28 mai 2021, n° 442378 (et voir l’arrêt du même jour n° 441739, et dans le même sens, en matière de restauration scolaire).

[5] Si une concession est donnée à la SPL à l’équilibre ou avec un très petit bénéfice, mais que les biens transférés qui correspondaient à des charges en comptabilité publique parce qu’amortis sur une très longue durée, s’avèrent en réalité entièrement déjà amortis en comptabilité privée, la société du jour au lendemain se trouve à avoir un fort bénéfice imposable. Et en général, baisser les redevances n’est pas la solution, car ce n’est pas parce que la société fait des bénéfices qu’elle a les moyens de payer ses futurs nouveaux investissements, sauf à confondre comptabilité de trésorerie et comptabilité commerciale.

[6] Services publics administratifs ; parfois assainissement collectif, certains montages même en SPIC…

[7] Le juge a ainsi considéré dans deux arrêts de 2003 et 2004 Département des Landes, qu’un mécanisme de « subvention comportant une modulation du taux des subventions » pouvait distinguer entre des modes de gestion sous certaines limites (CE Ass., 12 décembre 2003, Département des Landes, n° 236442 ; CAA Bordeaux, 8 avril 2004, Département des Landes, n° 99BX00379 ; CAA Versailles, 9 mars 2006, Département des Yvelines, n° 03VE02793). Puis, dans le domaine des services des eaux, vint la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 qui conduisit à la formulation d’un nouvel article L. 2224-11-5 du CGCT prohibant de telles modulations des aides selon les modes de gestion. Mais le Conseil constitutionnel a censuré cette évolution législative, par une décision n° 2011-146 QPC du 8 juillet 2011 qui estime contraire à la Constitution toute interdiction de modulation des aides selon le mode de gestion.

[8] La prise en compte dans le coefficient d’intégration fiscale des redevances d’assainissement se trouve en effet faite différemment selon le mode de gestion en communauté urbaine ou d’agglomération (ou en métropole) aux termes de l’article L. 5211-29 du CGCT (ce qui favorise d’ailleurs parfois la régie et parfois la DSP selon les cas).

[9] La Loi Girardin a succédé aux lois Pons (1985) et Paul (2001). Le régime de l’article 199 undecies B du CGI a été largement modifié par la LODEOM (loi pour le développement économique des outre-mer) du 27 mai 2009, selon un régime souvent modifié ensuite.

[10] Au delà des classiques « cessions Dailly », se trouvent parfois des clauses avec l’établissement financier comme co-contractant de la personne publique avec faculté de résilier le contrat avec l’exploitant tout en maintenant les clauses avec l’établissement financier. Si ceci est opéré habilement, combiné avec des périodes bien calées de future cristallisation des taux aux dates choisies par la personne morale de droit public, à chaque phase de travaux, on peut revenir aux mêmes taux que ceux des emprunts faits par la personne publique.

[11] TA Clermont-Ferrand, 17 mai 2016, n°1402177. Dans cette affaire, une ville thermale, contrainte par le préfet  à la fermeture de ses thermes, a été privée d’une grande partie de ses ressources. Elle a même, à la suite d’un rapport de la Chambre régionale des comptes, été invitée à vendre une partie des biens de son patrimoine.  Dans ce cadre, la commune cédé son camping municipal après résiliation de la concession attribuée à l’exploitant du snack-bar du camping. Ce dernier a introduit un recours afin d’obtenir l’annulation de la résiliation et a formulé une demande indemnitaire. Le TA n’a pas fait droit au moyen du demandeur en considérant que : « La commune […] qui devait en urgence procéder à la cession d’une partie de ses biens pour pouvoir ramener à l’équilibre son budget et devenir solvable, justifie […] d’un intérêt général pour résilier unilatéralement la convention de concession ». Lorsque les difficultés financières sont donc avérées et solidement justifiées, celles-ci peuvent justifier la résiliation d’un contrat. Néanmoins, la plus grande prudence s’impose car, dans le cas de cette espèce, le déficit budgétaire était énorme et les difficultés étaient réellement prouvées et démontrées. Il ne faut pas lire ce jugement comme donnant un blanc-seing pour évoquer des difficultés budgétaires usuelles afin de résilier des contrats à tout va… Une résiliation pour motif d’intérêt général implique une indemnisation dans la plupart des hypothèses et le juge peut aussi être saisi par le cocontractant en reprise des relations contractuelles (CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers, n°304806).

[12] En 2020, un centre hospitalier a été démarché par une société au titre de travaux d’amélioration de l’isolation du bâtiment avec une rémunération de la société par des certificats d’économie d’énergie. De tels démarchages sont légion, notamment dans le privé. Mais ce n’en sont pas moins des marchés publics s’ils sont souscrits par un acheteur public. Le TA a admis la résiliation (qui a fini par être explicite) pour motif d’intérêt général tiré de l’illégalité initiale du contrat (CE, 10 juillet 2020, Soc. Comptoir Négoce Équipements, 430864, au rec) et ce dans des conditions qui laissent mal augurer, pour cette entreprise, d’éventuelles demandes indemnitaires qu’elle aurait la fantaisie de demander ensuite (ceci dit nul doute que l’hôpital a également commis une faute lorsqu’un de ses agents sur le départ a accepté de signer ces contrats…). TA Lyon, 17 mars 2022, Société Grintek SAS, n° 2104848. Le motif n’est pas financier, mais l’illégalité qui fonde la résiliation pour motif d’intérêt général est tirée aussi (en lien avec sa passation) des conditions financières du contrat.

[13] CE, Assemblée, 8 avril 2009, req. n° 271737… et sa riche postérité.

[14] Si une somme et à verser en référé provision, et qu’ensuite le juge du fond décide que la créance n’est pas fondée ou est inférieure à la provision, nul doute qu’il faille ensuite restituer la somme reçue en référé provision (ou que le trop perçu ne doive être remboursé si le juge du fond condamne à un versement inférieur au montant retenu en référé provision). Cette règle de bon sens reste bien évidement d’actualité. Mais le Conseil d’État vient de poser — et on peut le comprendre — qu’en revanche tel n’est pas le cas lorsque le juge du fond rejette la demande dont il est saisi pour un motif tiré de l’irrecevabilité ou de la prescription de l’action au fond. En ce cas, les sommes accordées par le juge des référés à titre de provision sont définitivement acquises. Source : Conseil d’État, 20 juillet 2022, n° 455106, à mentionner aux tables du recueil Lebon.

[15] CE, 12 octobre 2020, Commune d’A., n° 431903 et autres. Cette solution atténue la portée d’une règle ancienne selon laquelle un titre exécutoire ne peut être légalement émis si la clause de conciliation obligatoire n’est pas respectée (CE, 28 janvier 2011, Département des Alpes-Maritimes, req. n° 331986 ; CE, 9 déc. 1991, Snoy, req. n° 84308 ; CE, 6 oct. 1976, Koch, n° 98433)

[16] Mais faut-il que le recours soit extra-contractuel, ce que le juge accepte avec une tolérance renouvelée : CE, 10 juillet 2020, n° 429522, aux tables.

[17] CE, 26 décembre 1924, Ville de Paris c/ Chemin de fer métropolitain, rec. p. 1065 et CE, 5 décembre 2017, Ryanair n° 408550.

[18] Pour une illustration redoutable, voir CE, 20 septembre 2019, n° 419381.

[19] Articles R. 2194-1 à R. 2194-10 du CCP.

[20] Articles R. 3135-1 à R. 3135-10 du CCP.

[21] CE, avis, 15 septembre 2022n° 405540, NOR – ECOM2217151X86. Voir aussi la note de la DAJ des Ministères économiques et financiers mise à jour le 21 septembre 2022, à ce sujet).

[22] loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 ; ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 ; sur la gestion de fait, voir la combinaison des articles L. 131-3 et L. 131-15 du Code des juridictions financières dans leur version en vigueur à compter du 1er janvier 2023.

[23] Instruction budgétaire 17-0005 du 9 février 2017 ; certes applicable aux collectivités locales, mais qui commente une disposition législative commune à l’État et aux collectivités locales.

[24] voir par exemple : C. comptes, 24 octobre 1991, Société SUR, Revue du Trésor 1992 page 136 ; C. comptes, 9 juillet 1992, Compagnie des eaux de l’Ozone, Syndicat intercommunal des eaux de Damazan-Buzet, Rec. C. comptes 71, La Revue du Trésor 1992 page 815 ;  voir aussi Michel Lascombe, Professeur à l’IEP de Lille, et Xavier Vandendriessche, Professeur à l’université Lille 2, La notion de recettes publiques, la gestion de fait et les contrats contenant un mandat financier, in AJDA 2009, p. 2401 ; voir aussi l’arrêt classique mais daté Cour des Comptes, 24 septembre 1987, Association Madine Accueil (in Revue du Trésor, 1988, p. 193).

[25] CE, 13 février 2007, avis non contentieux n° 373788 et, surtout, CE, Section, 6 novembre 2009, Société Prest’action, req. n° 297877. Cette jurisprudence a même été ensuite étendue par un TA aux fractions de redevance perçues en assainissement pour le délégant (dites dans le langage courant « surtaxes »), ce qui est tout de même discutable (TA Grenoble, 10 juillet 2014, Syndicat des copropriétaires de l’immeuble Les Glovettes et autres, req. n° 1003080-1104936).

[26] Même si les juges financiers, pour des opérations claires et achevées, ont assez souvent considéré qu’il y avait un manque d’intérêt pratique à déclarer une telle gestion de fait (voir par exemple circulaire n° 08-016-M0 du 1er avril 2008).

[27] Ce régime est précisé, pour les collectivités, par les articles D. 1611-32-1 et suivants du CGCT (Décret n°2015-1670 du 14 décembre 2015). L’article D. 1611-32-9 du CGCT précise les sommes concernées, y compris les redevances de stationnement des véhicules sur voirie et les  forfaits de post-stationnement… S’y ajoutent les domaines déjà visés par la loi elle-même : produit des droits d’accès à des prestations culturelles, sportives et touristiques ; revenu tiré des immeubles appartenant aux collectivités (ou à leurs groupements) et confiés en gérance; revenu tiré des prestations assurées dans le cadre d’un contrat portant sur la gestion du service public de l’eau, du service public de l’assainissement. Par ailleurs, les articles D. 1611-32-1 et suivants du CGCT précisent les modalités comptables et financières du mandat qui peut être accordé.

[28] Pour deux interprétations constructives, voir CRC PACA, 19 août 2016, Commune de N., jugement n°2016-0042 et Cour des comptes, 12 avril 2019, ONIAM, n° S2019-812.

[29] CE, 30 décembre 2021, n°436340, à publier aux tables du rec.

[30] Citons par exemple CE, 18 oct. 2018, Soc. Electricité Tahiti [EDT ENGIE], req. n°420097 ; CE, 26 octobre 2018, SMCTVPE, n°s 422652 et 423140…

[31] Exemple sur les intérêts moratoires, au nom de l’intérêt que les personnes publiques payent leurs factures en temps et en heure, selon le Conseil d’État (23 décembre 2020, n° 443158)

[32] pour un jugement souple à ce sujet, voir TA Limoges, 20 février 2020, Société ADL, 1701151.

[33] CE, 4 mars 2020, Société Savima, n°423443.

[34] Cf. supra notes 1 à 3.

[35] In « Terre des hommes » (1938) d’Antoine de Saint-Exupéry.