La domanialité

Gilles BachelierGilles Bachelier
Conseiller d’État

1) Quelles sont les modifications issues de la loi de simplification du droit du 12 mai 2009 ? Quelles nouvelles définitions ?

La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures ratifie l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques. Cette ratification fait désormais obstacle d’un point de vue contentieux à la contestation de ce Code que ce soit par voie d’action, ou par voie d’exception à l’appui de litiges individuels relatifs à l’application de tel ou tel article.

La loi ne modifie pas les définitions retenues par le Code mais apporte quelques innovations.

D’une part, elle met fin à l’impossibilité, pour l’occupant du domaine public de l’État ou de l’un de ses établissements publics bénéficiant d’une autorisation d’occupation constitutive de droits réels, de recourir au mécanisme du crédit-bail pour financer les ouvrages, constructions et installations qu’il édifie et qui sont nécessaires à la continuité du service public. Elle réalise ainsi l’unification du régime financier de l’occupation du domaine public quelle que soit la personne publique. À l’impossibilité de recourir à certains modes de financement pour les occupants du domaine public de l’État bénéficiant d’autorisations d’occupation constitutives de droits réels est substituée, comme pour les baux emphytéotiques administratifs que peuvent consentir les collectivités locales, la nécessité de clauses dans le titre d’occupation permettant de préserver les exigences du service public. D’autre part,  ce même article aménage les cas d’occupation gratuite possible du domaine public, restreignant ainsi la portée du dernier alinéa de l’article L. 2125-1 du CG3P issu de la loi de finances pour 2008.

2) La ratification de la partie réglementaire du Code est imminente. Que va-t-elle changer en pratique ?

La Commission supérieure de codification s’est prononcée sur les quatre premiers livres, mais le décret de codification n’a pas encore été examiné par la section de l’administration du Conseil d’État. Sa parution au cours du premier semestre 2010 est envisageable.

     Le livre V relatif à l’outre-mer soulève un peu plus de difficultés et ne devrait pas être examiné avant le deuxième semestre 2010.

Cette situation transitoire est certes un facteur de complication puisqu’il convient d’appliquer simultanément le nouveau Code et des dispositions réglementaires préexistantes, notamment celles du Code du domaine de l’État maintenues en vigueur, dont la compatibilité avec les règles législatives est loin d’être parfaite.

La publication de la partie réglementaire du Code permettra à tous les praticiens de disposer dans un document unique de l’ensemble des règles générales applicables en matière domaniale.

3) Quelles sont les différentes modalités d’occupation du domaine public ?

Le domaine public peut se trouver utilisé soit par des services publics implantés par les personnes publiques ou mis à la disposition d’organismes concessionnaires qui le gèrent, soit directement par le public.

La question posée porte sur le régime de l’occupation dite privative du domaine public. Celle-ci se caractérise par le droit conféré à certains usagers dûment identifiés d’occuper à titre exclusif une dépendance déterminée de ce domaine. Ce droit est subordonné à la délivrance, par l’autorité administrative compétente, d’un titre d’occupation qui peut résulter soit d’un acte unilatéral, soit d’un contrat. Il va de soi que cette occupation doit donner lieu à une utilisation du domaine public conforme à l’affectation d’utilité publique que le domaine a reçue.

L’occupation privative du domaine public peut être autorisée soit par un acte unilatéral, soit par un contrat. Le titulaire de l’autorisation a, sauf prescription contraire de son titre, un droit réel sur les ouvrages, les constructions et les installations de caractère immobilier qu’il réalise pour l’exercice de l’activité autorisée par ce titre. L’occupant du domaine n’a aucun droit sur le fond lui-même, mais dispose d’un droit de superficie. Le droit d’occupation, ou droit de superficie, peut être valorisé indépendamment de la réalisation d’ouvrages. Mais du fait de cette réalisation, le droit de superficie ne peut plus être valorisé de façon autonome : il n’y a pas dissociation de la cession du droit d’occuper et de la propriété des ouvrages. C’est ce droit conféré par le titre qui a une valeur économique pendant la durée du titre et qui constitue une garantie à offrir.

On rappelle que le Code procède, pour les occupations constitutives de droits réels sur le domaine public des collectivités territoriales, d’un côté au maintien du régime existant issu de la loi du 5 janvier 1988 (bail emphytéotique administratif) et de l’autre parallèlement, à l’ouverture aux collectivités territoriales de la faculté de recourir au mécanisme d’autorisations d’occupation prévu pour l’État par la loi du 25 juillet 1994.

4) Quels outils et quels contrats pour valoriser le domaine public? Quelle valorisation financière ?

Gilles Bachelier

Le Code général de la propriété des personnes publiques affirme le principe selon lequel toute occupation ou utilisation du domaine public, quel qu’en soit le propriétaire, donne lieu au paiement d’une redevance tenant compte des avantages de toute nature qui sont procurés à l’occupant. À titre exceptionnel, certains cas d’occupation gratuite sont prévus.

Pour déterminer le montant de cette redevance et pour évaluer l’avantage procuré au titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine, il faut tenir compte des avantages de toute nature qui lui sont procurés. Cela conduit à prendre en compte, le cas échéant, la valeur locative de propriétés privées comparables à la dépendance du domaine public. Mais on ne peut s’en tenir à cet élément : il faut examiner l’avantage spécifique procuré par la jouissance privative du domaine public.

5) Le Code s’applique-t-il aux décisions relatives à l’occupation du domaine prises antérieurement à son entrée en vigueur le 1er juillet 2006 ?

Comme on le sait, le Code a entendu donner une définition plus restrictive que celle retenue par la jurisprudence pour les biens du domaine public affectés à un service public en ce sens qu’il faut que ces biens fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public. On rappelle que selon la jurisprudence, l’appartenance au domaine public d’un tel bien était subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné.

Par une décision Société Brasserie du Théâtre du 28 décembre 2009, la Section du contentieux du Conseil d’État vient de se prononcer sur cette question et a refusé de revisiter la définition du domaine public qui reste celle issue de sa jurisprudence avant la date d’entrée en vigueur du Code. Ainsi, la légalité des décisions prises antérieurement au 1er juillet 2006 s’apprécie au regard de cette ancienne définition du domaine public.

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