Une nouvelle année pour refondre et simplifier les marchés publics

Anne ConstantiniAnne Constantini
Avocat Associé
Solon Avocats

 

Yves PonsYves Pons
Avocat Associé
Solon Avocats

1. Comment simplifier et rationaliser le droit de la commande publique ?

Après la généralisation des marchés publics simplifiés, le droit des contrats publics devrait (enfin) faire l’objet, en 2015, d’un effort de rationalisation et de simplification… enfin presque.

Tout d’abord, et conformément aux objectifs de simplification qu’il s’est fixé, le gouvernement devrait, comme annoncé, saisir l’occasion de la transposition des deux nouvelles directives 2014/24 et 2014/25 relatives à la passation des marchés publics pour : « simplifier l’architecture du droit des marchés publics en unifiant, au sein d’un corpus juridique unique, tout en tenant compte des spécificités des personnes qui y sont soumises, le régime juridique des marchés publics au sens du droit de l’Union européenne ».

Pour ce faire, il a été autorisé, le 25 novembre dernier par le Parlement, sur la base des dispositions de l’article 27 du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives dans sa dernière version modifiée par le Sénat en date du 25 novembre 2014, à prendre par ordonnance dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, des mesures relevant du domaine de la loi : « 1° Nécessaire à la transposition de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, et de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés passés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE ; 2° Rationalisant pour l’ensemble des contrats de la commande publique qui sont des marchés publics au sens du droit de l’Union européenne : a) Les règles générales de passation et d’exécution de ces contrats ; b) Le cadre juridique applicable aux contrats globaux, y compris sectoriels, afin d’harmoniser les règles relatives à ces contrats. »

Cette démarche de simplification, qui passera par un exercice de codification à droit constant des règles applicables aux marchés publics aujourd’hui largement éparses dans notre droit national, devrait être également l’occasion, pour le gouvernement, d’adopter une série de mesures nouvelles.

À noter la qualification textuelle de contrat de droit administratif de l’ensemble des marchés publics conclus par des personnes morales de droit public et non plus seulement de ceux passés par ces dernières en application du Code des marchés publics ; le principe d’une intervention de la commission d’appel d’offres pour les collectivités territoriales et certains établissements publics spécifiques ; des mesures propres à protéger les deniers publics, notamment à travers la reprise des règles de maniement des fonds publics (interdiction de paiement différé dans les marchés publics, acomptes et avances obligatoires, garanties financières de la bonne exécution du marché, etc.).

On relèvera enfin que, dans le sens de ce mouvement de réforme de la commande publique, la commission des affaires économiques du Sénat, à l’occasion de l’examen du projet de loi de Finances pour 2015, a fait trois propositions visant à favoriser l’accès des PME à la commande publique et consistant en l’amélioration de  la connaissance statistique de la commande publique, l’incitation des acheteurs publics à s’investir davantage dans la connaissance des acteurs des secteurs concernés et enfin, une transposition des directives portant une attention particulière à la question de la sous-traitance.

2. Qu’en est-il de la refonte des PPP et des marchés publics au sens du droit communautaire ?

Au-delà de la stricte question des marchés publics au sens du droit interne, le gouvernement est également habilité, par le même texte (article 27, 2°ter du projet de loi de simplification), à édicter des règles : « Prévoyant pour les contrats globaux : a) Les modalités d’élaboration des évaluations préalables à leur passation afin de renforcer la sécurité juridique et financière de ces contrats ; b) Les conditions de recours et de mise en œuvre de ces contrats de nature à circonscrire leur utilisation ; c) La fixation d’un seuil financier à partir duquel le recours à un contrat global est possible. »

Bien que les termes de « contrats globaux » ne renvoient à aucune réalité juridique, une lecture attentive du dossier législatif permet d’appréhender les intentions du gouvernement : prenant acte des conclusions du rapport d´information sur les partenariats public-privé déposé le 16 juillet 2014 par Messieurs Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli, le gouvernement souhaite entreprendre une rénovation du cadre juridique des contrats de partenariat, créé par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004.

Cette rénovation, qui semble en tout état de cause être devenue indispensable au regard des évolutions récentes de la jurisprudence (voir notamment CE 30 juillet 2014, SNC Biarritz Océan c/ Saint-Cricq, req. n° 363007 et TA Cergy-Pontoise 6 novembre 2014, Conseil national des Ordres des architectes et autres, req. n° 1205030), s’inscrirait ainsi dans le droit fil de la rationalisation du droit des marchés publics envisagée dès lors que les contrats de partenariat doivent s’analyser comme des marchés publics au sens des directives européennes.

Il semble donc que l’élaboration d’un « Code de la commande publique », appelé de ses vœux le 12 mars 2014, par Monsieur Pierre Moscovici, alors ministre de l’Économie et des finances qui permettrait de « garantir l’accessibilité et l’intelligibilité de ce corps de droit », soit imminente.

3. Quel est l’agenda prévu pour cette grande réforme de la commande publique ?

Certaines mesures ont d’ores et déjà été transposées en urgence par le truchement du décret n° 2014-1097 du 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés publics.  Il s’agit notamment du plafonnement des exigences des acheteurs publics relatives à la capacité financière des entreprises, de l’allègement des dossiers de candidatures, également appelé « dites-le nous une seule fois » et du partenariat d’innovation.

Tout porte à croire, d’après le calendrier élaboré par la DAJ, que l’ordonnance emportant réforme des marchés publics soit adoptée en juin 2015.

En tout état de cause, l’article 27 II du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives prévoit que ladite ordonnance ne s’applique qu’aux marchés lancés à compter du 1er janvier 2016.

Ce dispositif permettra donc aux acheteurs publics de disposer de quelques mois pour se familiariser avec les nouvelles règles applicables et sécuriser ainsi les consultations à venir.

Gageons qu’en cette année 2015, le gouvernement saura saisir l’occasion qui lui est offerte pour conforter l’action du juge administratif qui a su, depuis plusieurs années, à travers une jurisprudence parfois constructive, renforcer la sécurité juridique des relations contractuelles entre l’administration et ses cocontractants.

Depuis la rédaction de cet article, la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives a été adoptée et habilite, par son article 42, le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures de transposition de niveau législatif en matière de commande publique.

À la suite de l’adoption de cette loi, la DAJ a également  lancé une concertation publique relative à son projet d’ordonnance. Les intéressés ont jusqu’au 30 janvier 2015 pour se prononcer sur ce projet.

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