La fin annoncée de la clause Molière ?

La fin annoncée de la clause Molière ?

Le Conseil d’État va finalement se prononcer sur la légalité de l’intégration d’une clause semblable à la clause Molière au sein d’un marché public. Revenons sur les conclusions prononcées le 22 novembre dernier par le rapporteur public, Gilles Pellissier, qui interviendra prochainement aux journées du BJCP.

 

Qu’est-ce que la clause Molière ?

Cette clause impose aux effectifs affectés à l’exécution d’un marché public de comprendre et parler la langue française, ou à défaut, qu’un interprète réalise une traduction à destination du personnel étranger.

Cela permettait concrètement aux acheteurs publics d’imposer la maîtrise du français sur les chantiers publics.

En l’espèce, cette obligation s’est traduite, pour le titulaire du marché, par le recours à un interprète qualifié dans les différentes langues parlées par les travailleurs employés sur le chantier, qui nécessitaient une traduction face au défaut de maîtrise nécessaire de la langue française, les frais étant supportés par le titulaire.

 

Quelles sont les conclusions de Gilles Pellissier ?

La clause Molière ou la clause imposant la présence d’un interprète poursuit finalement le même objectif : lutter contre le travail détaché.

Raison pour laquelle Gilles Pellissier propose au Conseil d’État de déclarer la clause litigieuse illégale.

 

Une absence de rapport avec l’objet du marché en cause

Il invoque en premier lieu son absence de rapport avec l’objet du marché en cause. En effet, selon l’article 38 de l’ordonnance marchés publics du 23 juillet 2015 : « les conditions d’exécution d’un marché public peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploià condition qu’elles soient liées à l’objet du marché public ».

 

Une clause aux effets discriminatoires

Gilles Pellissier considère, comme cela avait été évoqué au sein de l’instruction interministérielle du 27 avril 2017que la stipulation contractuelle en cause méconnaît le principe de non-discrimination cher au droit européen et au droit français de la commande publique.

Si la clause n’est pas discriminatoire en elle-même, elle est en revanche susceptible d’en produire les effets, en dissuadant les entreprises qui emploient des travailleurs étrangers à se porter candidates aux marchés publics ou en engendrant des surcoûts considérables pour les titulaires du marché.  

 

Sécurité et protection de la santé des travailleurs

Gilles Pellissier répond aux défenseurs de la clause en précisant que les conditions liées à la sécurité et à la protection de la santé des travailleurs sont d’ores et déjà prévues par le droit du travail en vigueur (loi contre la Concurrence sociale déloyale du 10 juillet 2014loi pour la Croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015loi Travail du 8 août 2016 et de son décret du 5 mai 2017 relatif au renforcement des règles visant à lutter contre les prestations de services internationales illégales).

Des contraintes conventionnelles pourraient cependant voir le jour dans le cas où les caractéristiques particulières du marché le justifieraient.

Une telle clause est en somme disproportionnée par rapport aux objectifs de sécurité et de santé des travailleurs.

Nous attendons désormais la décision du Conseil d’État sur la question. Suivra-t-il ou non les conclusions du rapporteur public ?

 

 

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