Règles de passation d’un contrat de concession

BJCPonline : Brèves de jurisprudence

[vc_row][vc_column][vc_column_text]La sélection du mois
Les dernières décisions résumées par la rédaction du BJCPonline.

MARCHÉS PUBLICS

CE, 17 septembre 2018, « Société Le Pagus», n°407099

Qu’est-ce qu’une concession de plage ? Que l’on parle d’exploitation touristique ou de l’installation de bâtiments et d’équipements sur les plages publiques, ces dernières sont soumises à réglementation particulière. Traditionnellement, une plage fait l’objet d’une concession au moyen d’un arrêté préfectoral.

En l’espèce, l’État avait concédé depuis 1991 à la commune de Fréjus une concession de plage naturelle, reconduite jusqu’au 31 décembre 2012. Néanmoins, par une délibération du 25 septembre 2008, la commune de Fréjus a souhaité renouveler une délégation de service public portant sur l’aménagement et l’exploitation des lots composant cette plage, sous forme de concession. Un avis d’appel public à la concurrence a été publié pour le lot n°5 le 25 juin 2009, auquel la seule société Le Pagus déjà titulaire dudit lot, avait répondu en déposant une offre pour (ré)attribution. Le conseil municipal a alors déclaré la procédure infructueuse en raison du caractère insuffisant de mise en concurrence et de celui, incomplet, de l’offre déposée. À la suite d’une nouvelle consultation, le lot du marché a finalement été attribué à une autre société.

Dans un premier contentieux, le tribunal administratif de Toulon annulait les délibérations du conseil municipal se fondant sur le double motif que la circonstance que la société sortante était la seule candidate à l’attribution de ce lot n’était pas, en tant que telle, de nature à fonder le rejet de son offre pour infructuosité, et que l’offre de la société était conforme au règlement de la consultation (TA Toulon, 16 mars 2012 confirmé en appel par la CAA de Marseille, 26 mai 2014).

Forte de cette décision, la société évincée demandait alors le 21 février 2014 au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Fréjus au versement des sommes de 1 073 020 euros en indemnisation du manque à gagner et du remboursement de ses frais de soumissionnement du fait de son éviction d’un contrat de concession qu’elle considérait irrégulière. Toutefois, le tribunal administratif de Toulon rejette les demandes d’indemnisation de la société.

Le 21 novembre 2016, la cour administrative de Marseille rejette l’appel formé par la société Le Pagus en refus de toute demande d’indemnisation, la requérante se pourvoit en cassation.

Le Conseil d’État rejette le pourvoi de la société requérante. Les juges énoncent que l’absence de concurrence peut constituer un motif général justifiant la renonciation d’une personne publique à conclure un contrat : « Une personne publique qui a engagé une procédure de passation d’un contrat de concession ne saurait être tenue de conclure le contrat […] elle peut décider sous contrôle du juge, de renoncer à le conclure pour un motif d’intérêt général susceptible de justifier la renonciation à conclure un contrat de délégation de service public. » Le Conseil d’État fait ensuite un rapide inventaire des principes d’indemnisation du candidat en cas d’éviction irrégulière qui s’articuleront par exemple autour de l’existence de chances qu’avait véritablement le candidat de remporter ledit contrat. Les juges rappellent également qu’un candidat ne peut prétendre à indemnisation si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d’intérêt général. Enfin et contrairement à ce qui avait été avancé par la société requérante, le Conseil d’État précise que le montant d’une redevance domaniale pour une délégation de service public peut être fixé après négociation avec les candidats : tous les éléments relatifs à une offre sont négociables, y compris la redevance.

Les brèves de la revue BJCP
L’actualité jurisprudentielle du droit des contrats publics sélectionnée par le comité de rédaction du BJCP.

THÉORIE GÉNÉRALE DES CONTRATS

TC 14 mai 2018, Société Batimat c/ Commune de Nogent-sur-Seine, n° C4119

Quelle est la nature d’une convention tripartite entre maître de l’ouvrage, constructeur et société de financement ?

Définition du contrat administratif – Contrat accessoire à un contrat de droit public. Contentieux des contrats publics – Compétence des juridictions administratives et judiciaires – Compétence des juridictions administratives – Existence – Contrat accessoire à un contrat de droit public.

Contrat de partenariat signé par une commune ayant pour objet le transfert, la restructuration et l’agrandissement d’un musée, financé par un crédit-bail. Convention tripartite conclue entre la commune, le titulaire du contrat de partenariat et un crédit-bailleur prévoyant notamment, afin de préciser les conséquences à tirer d’une résiliation du contrat de partenariat, l’acquisition par la commune des ouvrages financés par le crédit-bailleur contre versement d’une indemnité prévue par ce contrat. Cette convention étant par son objet l’accessoire du contrat de partenariat, l’action par laquelle le crédit-bailleur demande sur son fondement le paiement de cette indemnité relève de la compétence de la juridiction administrative.

MARCHÉS PUBLICS

CE 25 mai 2018, Département des Yvelines, n° 417869 et OPH des Hauts-de-Seine, n° 417428 

Quelle est la marge de manœuvre du pouvoir adjudicateur pour décider de ne pas allotir un marché ?

Quel contrôle sur une décision d’allotir géographiquement un marché public sans procéder à son allotissement fonctionnel ?

Passation – Allotissement – Décision de ne pas allotir – Marge d’appréciation du pouvoir adjudicateur – Contrôle normal – Allotissement géographique – Absence d’allotissement fonctionnel – Contrôle de la consistance des lots – Contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

Reprenant la formulation élaborée sur le fondement de l’article 10 du code des marchés publics 2006, le Conseil d’État décide que, saisi d’un moyen tiré de l’irrégularité de la décision de ne pas allotir un marché, il appartient au juge du référé précontractuel de déterminer si l’analyse à laquelle le pouvoir adjudicateur a procédé et les justifications qu’il fournit sont, eu égard à la marge d’appréciation dont il dispose pour décider de ne pas allotir lorsque la dévolution en lots séparés présente l’un des inconvénients visés par les textes, entachées d’appréciations erronées. L’allotissement géographique sans allotissement fonctionnel relève du seul contrôle de la consistance des lots. Lorsque le pouvoir adjudicateur a choisi de diviser un marché public en lots géographiques, il appartient au juge du référé précontractuel de s’assurer, en prenant en compte l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser, que ce choix n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

CE 25 mai 2018, Nantes Métropole, n° 417580

À quelles conditions le pouvoir adjudicateur peut-il utiliser un critère d’attribution relatif à la politique générale de l’entreprise candidateen matière sociale ?

Passation – Critères de sélection des offres – Critère social – Lien avec l’objet du marché ou ses conditions d’exécution – Critère relatif à la politique générale de l’entreprise en matière sociale (illégalité).

Il résulte des articles 52 de l’ordonnance n° 2015-899 du 3 juillet 2015 et 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 que si l’acheteur peut, pour sélectionner l’offre économiquement la plus avantageuse, mettre en œuvre des critères comprenant des aspects sociaux, c’est à la condition, notamment, qu’ils soient liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Des critères sociaux peuvent concerner toutes les activités de l’entreprise candidate, pour autant qu’elles concourent à la réalisation des prestations prévues par le marché. Ces dispositions n’ont, en revanche, ni pour objet ni pour effet de permettre l’utilisation d’un critère relatif à la politique générale de l’entreprise en matière sociale, apprécié au regard de l’ensemble de son activité et indistinctement applicable à l’ensemble des marchés de l’acheteur, indépendamment de l’objet ou des conditions d’exécution propres au marché en cause.

CE 7 juin 2018, SYTRAL, n° 416535

Le délai de prescription de cinq ans, issu de l’article L. 110-4 du code de commerce, est-il applicable à une action en garantie des vices cachés introduite à l’occasion d’un marché public de fourniture ?

Responsabilités post-contractuelles – Marché public de fourniture – Action en garantie des vices cachés (oui) – Application des articles 1641 à 1649 du code civil – Prescription de deux ans à compter de la connaissance du vice – Application de l’article L. 110-4 du code de commerce (non) – Délai de prescription de cinq ans à compter de la conclusion du contrat (non).

La prescription de l’article L. 110-4 du code de commerce, acquise au terme d’un délai de cinq ans à compter de la conclusion du contrat, n’est pas applicable aux obligations nées à l’occasion de marchés publics, notamment dans le cadre d’une action en garantie des vices cachés fondée sur l’article 1648 du code civil, qui ne se prescrit que dans un délai de deux ans à compter de la connaissance du vice.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]