Marchés publics et pratiques anticoncurrentielles

BJCPonline : Brèves de jurisprudence

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MARCHÉS PUBLICS

CE 27 mars 2020, nos 421758 et 421833

Le Conseil d’État sanctionne les pratiques anticoncurrentielles de cinq entreprises dans le cadre de marchés publics, toutes ont été sanctionnées, bien que l’une d’elle n’eut pas candidaté aux marchés publics en question.

Le département de l’Orne avait passé des marchés à bons de commande portant sur l’acquisition de panneaux de signalisation routière.La collectivité, consciente d’avoir été victime d’une pratique anticoncurrentielle, avait saisi le juge administratif pour obtenir réparation. Le tribunal administratif de Caen a condamné alors à titre solidaire toutes les sociétés membres de l’entente à lui verser la somme de 2 239 819 euros. Le jugement ayant été confirmé par la cour administrative d’appel de Nantes, les sociétés ont décidé de saisir le Conseil.

L’enjeu était de déterminer si le juge administratif pouvait condamner les entreprises requérantes, y compris celle n’ayant pas candidaté au marché du département. Le rapporteur public, Mireille Le Corre, y répond par la positive et le Conseil appelle donc à sanctionner l’ensemble des entreprises formant le « cartel de la signalisation routière ».

« Mettre en cause la responsabilité quasi-délictuelle non seulement de l’entreprise avec laquelle elle a contracté, mais aussi des entreprises dont l’implication dans de telles pratiques a affecté la procédure de passation de ce marché, et de demander au juge administratif leur condamnation solidaire ».

Sur ce fondement, les juges ont estimé que « les comportements fautifs des sociétés Lacroix Signalisation et Signaux Girod étaient en lien direct avec le surcoût supporté par le département de l’Orne lors de l’exécution des marchés à bons de commande passés en 1999, 2002 et 2005 ». De ce fait, le pourvoi des deux sociétés est rejeté.

Les brèves de la revue BJCP
L’actualité jurisprudentielle du droit des contrats publics sélectionnée par le comité de rédaction du BJCP.

THÉORIE GÉNÉRALE DES CONTRATS

CE 26 juin 2019, Lebel et Gomez, nos417386 et 417387

Quand faut-il considérer que le cocontractant de l’administration encourt le risque d’être déclaré gestionnaire de fait ?

Exécution financière par le cocontractant – Gestion de fait – Notion – Recettes publiques – Recettes tirées de l’activité propre de l’exploitation d’un bien public (absence de gestion de fait).

Pour déterminer si les recettes perçues par un cocontractant de l’administration sont susceptibles de caractériser une gestion de fait, il appartient au juge des comptes de rechercher si, au regard de l’objet du contrat et de l’action du cocontractant, les recettes que ce dernierperçoit peuvent recevoir la qualification de recettes publiques. Tel est le cas lorsque l’administration a entendu confier à un organisme public ou privé l’encaissement de produits ou de revenus correspondant à la fourniture d’un bien ou d’un service par l’administration elle-même, un tel encaissement ne pouvant alors être organisé que dans les conditions prévues par la loi. En revanche, ne peuvent être qualifiées de recettes publiques les sommes correspondant au produit que le cocontractant tire de son activité propre d’exploitation d’un bien ou d’une prestation de services.

TC 1erjuillet 2019, Société EcoDDS c/ Syndicat mixte Sud Rhône Environnement, n°4162

Quelle est la nature des conventions conclues par les éco-organismes avec les personnes publiques chargées de la collecte des déchets ?

Contrats administratifs – Critères – Convention conclue pour la collecte de déchets entre l’éco-organisme chargé de leur gestion et une collectivité chargée de la collecte et du traitement des déchets ménagers – Contrat n’ayant pas pour objet l’organisation ou l’exécution du service public et ne comportant pas de clauses le plaçant sous un régime exorbitant.

CONTENTIEUX DES CONTRATS PUBLICS – Compétence du juge administratif et du juge judiciaire – Compétence du juge judiciaire – Contrat n’ayant pas pour objet l’organisation ou l’exécution du service public et ne comportant pas de clauses le plaçant sous un régime exorbitant.

La convention par laquelle une collectivité territoriale s’engage envers un éco-organisme collectant des déchets ménagers de produits chimiques dangereux pour le compte des producteurs, importateurs et distributeurs à collaborer à cette collecte en contrepartie d’un versement financier ne peut être regardée comme confiant à cet organisme l’exécution du service public de la collecte et du traitement des déchets ménagers ni comme le faisant participer à cette exécution. Et la convention ne pouvant être regardée comme impliquant que les relations contractuelles aient été placées dans l’intérêt général sous un régime exorbitant du droit commun, le litige relatif à son exécution ressortit à la compétence de la juridiction judiciaire.