Le contentieux et la transposition de la directive recours

Yvon Goutal
Avocat au barreau de Paris

1) Quelles sont les nouveautés introduites par l’ordonnance du 7 mai 2009 transposant la directive recours ?

Au-delà de quelques retouches au référé précontractuel, l’apport principal de l’ordonnance du 7 mai 2009, complétée par le décret du 27 novembre 2009, réside dans la création en droit interne d’un nouveau référé, le « référé contractuel », codifié aux articles L. 551-13 et suivants du Code de justice administrative.

Son objet est, mutatis mutandis, d’ouvrir une fenêtre contentieuse équivalente au référé précontractuel – dont la notoriété est telle qu’il n’est plus besoin de le décrire – située après la signature du contrat. Longtemps, cet acte marquait la fin de tout risque contentieux : le recours devait être examiné avant la signature. Après, seule restait la voie pénale…

À cela s’ajoute que le champ d’application des référés « contrats » est redéfini : à une liste fastidieuse – et jamais à jour – est substituée une définition plus « fonctionnelle » qui intègre, pour simplifier, tous les contrats administratifs soumis à mise en concurrence.

En somme, la France est arrivée au terme de la « révolution » du contentieux des contrats : on est passé de l’absence de voie de recours direct à une palette très fournie d’outils contentieux qui va du référé précontractuel au référé postcontractuel, en passant par une voie d’action spécifique au fond (le recours dit Tropic, par référence à l’arrêt d’Assemblée du Conseil d’État rendu le 16 juillet 2007), assortie d’un éventuel référé suspension.

2) Quel bilan tirer des premières décisions jurisprudentielles en la matière ?

Les très rares premières décisions sont assez restrictives et n’incitent vraiment pas à privilégier le référé contractuel (TA Lyon 26 mars 2010, Société Chenil Service, n°1001296 ; TA Melun 29 avril 2010, Association Vivre Vite SARL, n° 1002057/2 ; voir également CE 3 février 2010, n° 330237). Cette tendance n’est du reste pas isolée : elle est à l’image de l’ensemble du contentieux des contrats. Après quinze ans de « jeu de massacre », la jurisprudence est beaucoup plus mesurée, les censures étant devenues rares. On sent là l’influence d’un courant jurisprudentiel engagé avec l’arrêt Smirgeomes (CE 3 octobre 2008 au recueil), qui ne cesse de se renforcer, mois après mois.

Globalement, en l’état, les entreprises désireuses de contester une procédure favorisent clairement le référé précontractuel, si elles sont encore en situation de le faire ou les recours de type Tropic, beaucoup plus efficaces, mieux accueillis par le juge et qui permettent de développer tout type de moyen, à la différence du référé contractuel. L’incompétence de l’auteur de l’acte, la violation du principe de spécialité, par exemple, ne peuvent pas être débattues devant le juge du référé…

3) Dans quelle mesure cette avancée réglementaire va-t-elle faire évoluer les procédures contentieuses dans les contrats publics ?

À mon sens, il est peu probable que les procédures contentieuses soient significativement affectées par l’apparition du référé contractuel. Le Conseil d’État, en introduisant le recours dit Tropic et en l’assortissant d’un référé suspension (qui doit encore trouver sa place), a plus profondément bouleversé l’état du droit que l’ordonnance et le décret de 2009…

Tout au plus, peut-on pronostiquer une évolution de la pratique des acheteurs publics qui vont devoir se préoccuper de plus en plus des formalités de publicité postérieures à la conclusion des contrats : la jurisprudence Tropic, comme le nouveau référé contractuel, militent clairement en ce sens.

Par ailleurs, il faut s’attendre à une évolution – limitée – du régime des référés pré comme postcontractuels, dont le toilettage est annoncé, au même titre que celui du Code des marchés publics. Arrivée trop tard pour trouver sa place, aux côtés des recours Tropic, la réforme de 2009 serait donc également intervenue un peu trop tôt pour intégrer la réforme annoncée pour la fin d’année…

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