Des précisions apportées au recours Tarn et Garonne

BJCPonline : Brèves de jurisprudence

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CONTENTIEUX DES CONTRATS PUBLICS

Des précisions apportées au « recours Tarn-et-Garonne » : quels moyens invoquer par le concurrent évincé ? 

CE 9 nov. 2018, req. n° 420654

Par un arrêt « Département de Tarn-et-Garonne » du 4 avril 2014,le Conseil d’État ouvrait à tous les tiers, justifiant d’un intérêt lésépar la conclusion d’un contrat administratif, la possibilité de contester sa validitédevant le juge des contrats. Les Sages avaient cependant pris soin de définir les modalités selon lesquelles ledit tiers pouvait se prévaloir d’un intérêt lésé : seules les illégalités particulièrement graves ou en rapport direct avec l’intérêt lésé doivent être soulevées. Ce revirement de jurisprudence avait mis fin au régime traditionnel réservant cette voie de recours aux parties au contrat et aux concurrents évincés lors de la passation du marché public.

Le 9 novembre dernier, le Conseil d’État a précisé le « recours Tarn-et-Garonne ». En l’espèce, le 28 janvier 2014, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a lancé un appel d’offres en vue de l’attribution d’un marché de fournitures et ce, pour une durée de quatre ans. Deux groupements momentanés d’entreprises, le premier ayant pour mandataire les sociétés Groupement des laboratoires de biologie médicale (GLBM) et le second étant représenté par GIE Labco Gestion, ont présenté une offre. Toutefois, la CNAMTS les a rejetées qualifiées d’irrégulières, et a attribué le marché le 19 décembre 2014 au groupement constitué par la société Cerba, mandataire, et par la société Daklapack Europe BV.

Saisi par les concurrents évincés d’un recours en contestation de la validité du contrat, le tribunal administratif de Paris a, par deux jugements du 30 septembre 2016 (TA Paris, 30 sept. 2016, n° 1503071), rejeté les requêtes tendant à l’annulation ou à la résiliation du marché. Néanmoins, la cour administrative d’appel de Paris a donné raison aux concurrents évincés et par un arrêt du 24 avril 2018, prononcé l’annulation du marché avec effet au 1eraoût 2018. Les sociétés défenderesses se sont pourvu en cassation.

Par un arrêt du 9 novembre 2018, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris et apporté des précisions sur les moyens qui peuvent être soulevés par le concurrent évincé dans le cadre d’un « recours Tarn-et-Garonne ».À ce titre, il a écarté les erreurs de qualification des faits de la cour d’appel.

Premièrement, les Sages indiquent qu’une erreur conduisant à une appréciation inexacte du coût d’un achat par le pouvoir adjudicateur n’est pas, en elle-même, constitutive d’un vice du consentement.

Deuxièmement, outre les vices d’ordre public dont serait entaché le contrat administratif, le concurrent évincé ne peut invoquer que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec son éviction. En revanche, un candidat dont l’offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable ne saurait soulever un moyen critiquant l’appréciation des autres offres. Il ne saurait notamment soutenir que ces offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, un tel moyen n’étant pas de ceux que le juge devrait relever d’office. Il en va ainsi, y compris dans l’hypothèse où toutes les offres ont été écartées comme irrégulières ou inacceptables, sauf celle de l’attributaire, et s’il est soutenu que celle-ci aurait dû être écartée comme irrégulière ou inacceptable.

Enfin, le Conseil d’État rejette l’interprétation de la cour administrative d’appel qui soutenait que l’annulation du contrat ne portait pas une atteinte excessive à l’intérêt général. Le contrat de fournitures portant sur le dépistage du cancer colorectal, le Conseil d’État souligne la gravité que pourrait constituer l’interruption du service.

Les brèves de la revue BJCP
L’actualité jurisprudentielle du droit des contrats publics sélectionnée par le comité de rédaction du BJCP.

CONCESSIONS/DSP

CE 25 mai 2018, Société Philippe Vediaud publicité et Commune de Saint-Thibaud-des-Vignes, nos 416825 et 416947

Quelle est la nature d’un contrat de mobilier urbain ?

Notion  Contrat de mobilier urbain  Concession de service dès lors qu’il résulte des stipulations que l’attributaire se voit transférer un risque lié à l’exploitation des ouvrages à installer.

Un contrat ayant pour objet l’installation, l’exploitation, la maintenance et l’entretien de mobiliers urbains destinés notamment à l’information municipale, prévoyait que le titulaire du contrat assurerait ces prestations à titre gratuit et qu’il serait rémunéré par les recettes tirées de la vente d’espaces à des annonceurs publicitaires. Le contrat ne comportant aucune stipulation prévoyant le versement d’un prix à son titulaire, celui-ci est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d’espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu’aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune, des pertes qui pourraient en résulter. Il suit de là que ce contrat, dont l’attributaire se voit transférer un risque d’exploitation lié à l’exploitation des ouvrages à installer, constitue un contrat de concession et non un marché public.

CE Avis, section des travaux publics, 3 octobre 2017, n°393554

Quel est le régime des biens de retour dans le cadre des concessions hydrauliques ?

Exécution  Concessions hydrauliques  Biens de retour  Notion  Liste limitative du cahier des charges  Absence – Ensemble des biensnécessaires ou indispensables à l’exploitation.

Les cahiers des charges des concessions hydrauliques, approuvés par décrets du 5 septembre 1920 et 11 octobre 1999, ont été interprétés à la lumière des principes régissant les délégations de service public et notamment au regard du régime jurisprudentiel des biens de retour : l’énumération des biens de retour qu’ils donnent ne peut être que limitative, tout bien nécessaire ou indispensable au fonctionnement du service public devant faire retour gratuitement à la personne publique à la fin du contrat.

CE S. 29 juin 2018, Ministre de l’Intérieur c/ Communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, n° 402251

Dans quelle mesure faut-il appliquer le régime des biens de retour à des équipements dont le cocontractant était propriétaire avant la conclusion de la concession ?

Exécution  Concession de remontées mécaniques -Propriété privée avant la conclusion du contrat  Application du régime des biens de retour (oui)  Transfert des biens dans le patrimoine de la personne publique  Prise en compte de la valeur de l’apport dans la définition de l’équilibre économique du contrat ou indemnisation  Interdiction pour la personne publique de consentir des libéralités.

Les règles énoncées dans la décision d’assemblée du 21 décembre 2012 Commune de Douai, auxquelles la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 n’a pas entendu déroger, trouvent à s’appliquer lorsque le cocontractant de l’administration était, antérieurement à la passation de la délégation de service public de remontées mécaniques, propriétaire de biens qu’il a, en acceptant de conclure le contrat, affectés au fonctionnement du service public et qui sont nécessaires à celui-ci. Une telle mise à disposition emporte le transfert des biens dans le patrimoine de la personne publique. La valeur de cet apport, eu égard notamment au coût que représenterait l’acquisition ou la réalisation de biens de même nature, à la durée pendant laquelle les biens apportés peuvent être encore utilisés pour les besoins du service public et au montant des amortissements déjà réalisés, peut soit être prise en compte par les parties dans la définition de l’équilibre économique du contrat, soit faire l’objet d’une indemnisation si l’équilibre économique du contrat ne peut être regardé comme permettant une telle prise en compte par les résultats de l’exploitation, à la condition – dans les deux hypothèses – qu’il n’en résulte aucune libéralité de la part de la personne publique.

CONTENTIEUX DES CONTRATS PUBLICS

CE 6 juin 2018, Société Orange, n° 411053

Un refus de renouvellement d’un contrat peut-il faire l’objet d’une action en reprise des relations contractuelles ?

Recours entre les parties  Action en reprise des relations contractuelles  Recevabilité  Absence  Contestation du refus de renouveler un contrat.

Une société contestant la validité de la décision par laquelle une commune avec laquelle elle avait conclu une convention d’occupation du domaine public, reconductible tacitement et autorisant l’installation sur son territoire d’équipements techniques de radiophonie mobile, a fait usage de la faculté que lui offrait cette convention de s’opposer, six mois avant le terme prévu, à la reconduction de la convention, et demande également que soit ordonnée la reprise des relations contractuelles. La décision de la commune ne constituait pas une mesure de résiliation de la convention d’occupation du domaine public, mais une décision de ne pas la reconduire lorsqu’elle serait parvenue à son terme initial.

Eu égard à la portée d’une telle décision, qui n’a ni pour objet, ni pour effet de mettre unilatéralement un terme à une convention en cours, le juge du contrat peut seulement rechercher si elle est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à une indemnité. Dès lors, la société ne pouvait pas saisir le juge d’un recours en reprise des relations contractuelles et les conclusions qu’elle avait formulées en ce sens, à l’encontre de la décision prise par la commune en première instance, étaient par suite irrecevables.

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