Le code de la commande publique, une naissance tant attendue

[vc_row][vc_column][vc_column_text]On sait que l’article 38 de la loi Sapin II relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a autorisé le Gouvernement à procéder par ordonnance dans un délai de vingt-quatre mois à l’adoption d’un code de la commande publique.

Naissance du code

Concrètement, ce code doit voir le jour avant le 9 décembre 2018. Laure Bédier, DAJ de Bercy, a confirmé le 9 octobre dernier que ce serait bien le cas et qu’il entrerait en vigueur en avril 2019. Entrée en vigueur l’année prochaine, sans doute pour laisser aux professionnels le temps de se familiariser avec la nouvelle numérotation. Il est vrai que les acheteurs savaient tout de suite quand on leur parlait de la procédure des articles 27 ou 28 qu’ils avaient affaire à une procédure adaptée du décret marchés de 2016 ; il va falloir qu’ils prennent l’habitude de parler en termes de L.2123-1, ce qui les rapprochera des familiers du CGCT, mais exigera d’eux un petit temps d’adaptation.

Cela dit, remarquons tout de suite que lorsque l’enfant paraîtra le 9 décembre, il faudra déjà le modifier, puisque des textes importants comme la loi ELAN ou la loi PACTE contiennent des dispositions relatives à la commande publique. C’est tout le paradoxe des codes qui veulent inscrire dans le marbre des dispositions par nature évolutives.

On peut dire que ce code est un miraculé. On finissait par penser qu’il avait plus à voir avec l’arlésienne qu’avec « la présence réelle », depuis que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 12 février 2009, avait censuré l’article 33, introduit par voie d’amendement dans un texte relatif à l’accélération des programmes de construction, qui habilitait déjà le Gouvernement à réaliser ce code par ordonnance. Sans lien avec le texte avait jugé la Haute juridiction.

Mais, neuf ans après, nous y sommes et pour faire taire les rumeurs, la Directrice des affaires juridiques de Bercy a confirmé que ce code serait bien complet, c’est à dire qu’il comporterait sa partie règlementaire et législative. Que ce code ait deux parties est heureux, mais nous rappelle comme un mauvais souvenir le temps où le Conseil d’État jugeait par deux fois (en 1981, Ordre des avocats et en mars 2003 par un arrêt d’Assemblée) que le décret de 1938 avait donné la capacité à l’État, par voie règlementaire, d’étendre aux collectivités locales les règles qui s’appliquaient aux marchés de l’État. Pour un défenseur de la libre administration des collectivités locales, comme l’auteur de ces lignes, il est bon parfois que les acrobaties juridiques finissent au tapis.

Alors, ce nouveau code de la commande publique, pour quoi faire ?

Les agences de communication qui conçoivent maintenant le titre des lois et fabriquent les éléments de langage nous disent qu’avec lui, nous aurons une commande publique plus simple et plus lisible, une commande publique qui revient dans les standards européens et une commande publique plus attractive notamment pour les PME (Moderniser la commande publique, octobre 2018).

Il est indéniable que la commande publique pèse très lourd dans notre environnement économique, plus de 200 milliards d’euros en 2016 soit 8% du PIB ; et il est tout aussi remarquable qu’alors que les PME représentent en France 99% des entreprises, elles ne profitent qu’à hauteur de 6,5 milliards d’euros des marchés de l’État. En revanche, il n’est pas certain que la publication d’un code suffise à elle seule à remédier à cet état de fait, ni même la simplification des documents de consultation, et même la dématérialisation complète des procédures.

Les PME ont rarement le moyen de faire face à la complexité et il faut avouer que dans le cas précis, elle pourrait se doubler de la perplexité : le seul sommaire du nouveau code de la commande publique comporte quarante-deux pages ! Mais, après tout, selon le nouvel article L.1000-1 : « Le code de la commande publique s’applique aux contrats de la commande publique par lesquels un ou plusieurs acheteurs ou autorités concédantes définis au livre II de la première partie du présent code confient, pour satisfaire leurs besoins, l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques en contrepartie d’un prix ou d’un droit d’exploitation. » Il couvre ainsi un nombre d’acteurs considérables pour des besoins qui le sont non moins avec, à leur disposition, des instruments juridiques variés.

Et quel est son contenu ?

Pour être lisible, il était donc logique que le code s’articule autour de la summa divisio européenne des marchés publics et des concessions, selon que les autorités contractantes payent un prix pour leurs besoins ou confèrent un droit d’exploitation.

Comme praticien et ancien Directeur de la DAJ de la Ville de Paris, je n’ai cessé lors des colloques où j’ai pris la parole, à en appeler à cette vision claire résultant des directives : ou bien marchés ou bien concessions.  Nous faisions constamment observer que la notion de maîtrise d’ouvrage publique en droit interne rendait obscures bon nombre de procédures. Par exemple celle relative aux baux emphytéotiques, celle relative aux concessions d’aménagement sans risque pour l’aménageur, voire même, un moment, les contrats de partenariat public-privé. En effet, ces procédures n’étaient pas considérées comme des procédures de marchés de travaux, parce qu’il y manquait la maiîrise d’ouvrage publique. Ce temps est maintenant derrière nous. C’est bien un temps nouveau que réalise le code et on ne peut que s’en féliciter. Ce nouveau texte, en codifiant à droit constant les deux ordonnances du 23 juillet 2015 sur les marchés et celle du 29 janvier 2016 sur les concessions, avec leurs décrets respectifs, acte cette division majeure. Il y a là une lisibilité bien venue.

Certes, au-delà de cette division simple, il y a au moins un livre qui alourdit considérablement le texte, le livre III sur les dispositions applicables aux marchés publics de défense ou de sécurité que l’ensemble des praticiens de la commande publique pratique peu. Mais l’idée était bien de rassembler dans un seul corpus l’ensemble des textes applicables à celle-ci. Cette remarque vaut également pour l’entrée dans le code des dispositions propres à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.

Des esprits chagrins feront également remarquer que ce code très long et très fourni a été soumis à la consultation publique dans un temps très court du 23 avril au 13 mai 2018, période plus favorable aux ponts de mai qu’aux points de vue. Et il est vrai que seuls cinquante-trois contributeurs se sont prononcés.

On ne peut pas dire qu’il résulte de la synthèse de ces observations publiées sur le site de la DAJ Bercy que ces observations aient apporté grand-chose au texte, sinon des ajustements rédactionnels et certaines clarifications. Quelques contributeurs ont souhaité des codifications plus larges des règles issues de la jurisprudence, comme celles gouvernant l’indemnisation du cocontractant en cas de modification, ou celles portant sur la résiliation ou celles définissant les contrats administratifs.

Bien sûr, on peut rêver d’exhaustivité quand on codifie, de sorte que les juges ne seraient plus que la bouche de la loi. Mais on sait que c’est un rêve et ce code n’échappera pas plus que tout autre texte à l’interprétation. Et c’est heureux ! Il a le mérite d’exister, laissons le vivre…[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_empty_space height= »10px »][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][ultimate_heading alignment= »left » el_class= »extra-height-bloc-citation »]Éric Spitz
Avocat au barreau de Paris, of Counsel
Earth Avocats

 

 

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