Le « BIM », la suite… Les entreprises de travaux doivent aussi s’adapter aux nouvelles technologies

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Un récent arrêt du Tribunal administratif de Dijon (24 octobre 2019 n°1900511) a consacré la possibilité pour un acheteur public de voir valorisées les études des entreprises de travaux en mode BIM.

Le débat de fond restant le suivant : imposer au secteur privé le recours à une nouvelle technologie engendre-t-il une rupture d’égalité entre d’une part, les entreprises ayant les moyens de s’adapter et d’autre part, celles qui n’en disposent pas ?

 

1) Tout d’abord, que faut-il entendre par ledit « mode BIM » (en anglais : « Building Information Modeling »?

Il s’agit d’une application numérique permettant d’appréhender les différents éléments d’une construction en plusieurs dimensions et en mode inter actif, au fur et à mesure des apports de chaque intervenant : une approche transverse de l’ouvrage à édifier, des solutions envisagées et envisageables pour son parfait achèvement, l’identification instantanée des matériaux proposés (origines, composantes) et une fois encore, l’évolutivité des modes d’intervention en associant chacun à tous les stades du projet. Donc un outil particulièrement attrayant pour les acheteurs publics, quitte à le rendre indispensable – « incontournable » – dans leurs consultations.

Cette opportunité a occasionné maintes tergiversations et donné lieu à différentes réactions de la part des organisations professionnelles. Récemment :

L’ordre des architectes

Syntec-Ingénierie

La FNFTP

 

2) Plus particulièrement s’agissant de l’affaire en question : le juge a conclu à la possibilité pour un Maître d’ouvrage d’étendre aux entreprises de travaux leur association au modèle BIM, à partir des études préalables réalisées par les maîtres d’œuvre (et autres prestataires alliés à la conception).

Le contexte était le suivant : en vue de la reconstruction d’un collège, un département avait lancé une consultation pour un marché « de travaux » (et non de conception). La Maîtrise d’ouvrage requérait des candidats, au titre d’un sous-critère de la valeur technique explicitement exprimé, un rendu technique « BIM », déjà engagé dans le cadre du contrat de maîtrise d’œuvre. Cette adhésion au concept était donc nécessaire pour la continuité de la démarche engendrée.

Un candidat évincé à la consultation proprement liée aux « travaux » a saisi le TA. Parmi ses doléances, certaines concernaient précisément le recours imposé au BIM :

  • Une imprécision quant à la nécessité de s’insérer dans une démarche BIM. Un moyen quelque peu détourné pour marquer la véritable intention du requérant : l’utilisation de cet outil contreviendrait à l’égalité de traitement des candidats. Le juge rejette ce moyen en validant un affichage et un degré d’information adéquats de la part de l’acheteur, notamment quant à l’importance qu’il entendait accorder à ce sous-critère pour l’analyse des offres.

 

  • Une inadaptation du recours imposé à cet outil, au regard de l’objet du marché.

 

Sur le même fondement, le juge rejette l’argument mais cette fois plus directement (le point clé du débat) :

 

  • La Maîtrise d’ouvrage a signifié son choix de s’inscrire en amont (au stade de la conception) dans une démarche « BIM »,
  • Elle en a informé les entreprises de travaux lors de la consultation les concernant proprement,
  • La société requérante n’a formulé aucune question à ce sujet avant de déposer son offre,
  • Ayant donc participé à la consultation en connaissance de cause, la circonstance qu’elle ait été objectivement moins bien notée sur ce sous-critère est inopérante.

 

La faculté pour un acheteur public de suivre – et non pas « d’imposer » – une évolution technique dont aujourd’hui, personne ne nie plus l’intérêt, est donc validée par le juge.

 

Il s’agit là d’une décision notoire !

 

Pour autant, celle-ci ne règle pas un certain dilemme…

 

Juridiquement et financièrement parlant : une transition technologique, quelle qu’elle soit, nécessite forcément pour chacun des acteurs un effort significatif d’adaptation, tant structurel qu’en termes d’investissements humains et financiers. A présent, la « normalisation » du BIM ne devrait pas (ou ne devrait plus à être considérée) comme une entrave à l’égalité de traitement des candidats cad, une « façon maligne » des Maîtres d’ouvrage d’imposer une technologie discriminatoire, de façon à évincer d’emblée certains candidats.

 

Opérationnellement parlant : peut-être faudrait-il considérer le BIM comme s’inscrivant naturellement dans l’évolution des choses ? Et devant permettre aux différents acteurs à l’acte de construire (pas uniquement le Maître d’ouvrage mais aussi tous les intervenants : concepteurs et constructeurs) de tirer parti de ses avantages, pour une optimisation du parti-pris urbain et architectural.

 

Tout cela a un coût et nécessite un effort d’adaptation. Pour tout le monde…

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MATHIEU BLOSSIER

Juriste
Île-de-France Construction Durable