Edito – Décembre 2017

L'articulation entre marchés publics et sous-traitance

[vc_row][vc_column][vc_column_text]Chers lecteurs,

Le Conseil d’État va finalement se prononcer sur la légalité de l’intégration d’une clause semblable à la clause Molière au sein d’un marché public. Revenons sur les conclusions prononcées le 22 novembre dernier par le rapporteur public, Gilles Pellissier.

Qu’est-ce que la clause Molière ? Elle impose aux effectifs affectés à l’exécution d’un marché public de comprendre et de parler la langue française, ou à défaut, qu’un interprète réalise une traduction à destination du personnel étranger. Cela permettait aux acheteurs publics d’imposer la maîtrise du français sur les chantiers publics.

En l’espèce, cette obligation s’est traduite, pour le titulaire du marché, par le recours à un interprète qualifié dans les différentes langues parlées par les travailleurs employés sur le chantier, les frais étant supportés par le titulaire.

Quelles sont les conclusions de Gilles Pellissier ? La clause Molière ou celle imposant la présence d’un interprète poursuit finalement le même objectif : lutter contre le travail détaché. Raison pour laquelle il propose au Conseil d’État de déclarer la clause litigieuse illégale.

En premier lieu, il invoque son absence de rapport avec l’objet du marché en cause. En effet, selon l’article 38 de l’ordonnance marchés publics du 23 juillet 2015 : « Les conditions d’exécution d’un marché public peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploià condition qu’elles soient liées à l’objet du marché public. »

Il considère, comme évoqué dans l’instruction interministérielle du 27 avril 2017que la stipulation contractuelle en cause méconnaît le principe de non-discrimination cher au droit européen et au droit français de la commande publique.

Si la clause n’est pas discriminatoire en elle-même, elle est en revanche susceptible d’en produire les effets en dissuadant les entreprises qui emploient des travailleurs étrangers de se porter candidates aux marchés publics ou en engendrant des surcoûts considérables pour les titulaires du marché.  

Gilles Pellissier répond aux défenseurs de la clause en précisant que les conditions liées à la sécurité et à la protection de la santé des travailleurs sont d’ores et déjà prévues par le droit du travail (loi contre la Concurrence sociale déloyale du 10 juillet 2014loi pour la Croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015loi Travail du 8 août 2016 et de son décret du 5 mai 2017 relatif au renforcement des règles visant à lutter contre les prestations de services internationales illégales).

Des contraintes conventionnelles pourraient cependant voir le jour dans le cas où les caractéristiques particulières du marché le justifieraient. Une telle clause est donc disproportionnée par rapport aux objectifs de sécurité et de santé des travailleurs.

Attendons désormais la décision du Conseil d’État. Suivra-t-il les conclusions du rapporteur public ?

L’équipe de la rédaction[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]

1 Commentaire

  • Bonjour,
    Il faut s’attendre à ce que le CE déclare en effet la clause illégale dans le cas d’espèce tout en énonçant les principes permettant de l’envisager comme parfaitement légales dans d’autres cas de figure.
    S’il la déclare, à mon sens, illégale en l’espèce, c’est parce qu’elle a été spécialement prévue ici pour dissuader les entreprises qui entendaient recourir à du travail détaché sans autre considération ; s’il devait la valider par ailleurs dans son principe, ce serait aussi par souci de réalité économique, car le recours au travail détaché et au travail détaché de façon massive est un bon moyen pour nombre d’entreprises de tirer parti des distorsions de législation en matière sociale au sein de l’UE, ce qui n’est pas plus acceptable que l’interdiction de principe opposé au recours à de la maître d’œuvre détachée.

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