Qu’est-ce qu’un différend au sens des CCAG ?

BJCPonline : Brèves de jurisprudence

La sélection du mois
Les dernières décisions résumées par la rédaction du BJCPonline.

COMMANDE PUBLIQUE

Dans une décision du 22 novembre 2019, le Conseil d’État a clarifié la notion de différend et a souligné l’impossibilité de remettre en cause le paiement de factures pour des prestations admises sans réserve.

Quels sont les faits ?

L’établissement public de gestion du quartier d’affaires de La Défense avait confié à la société Gom Propreté un marché à bons de commande pour des prestations de nettoiement des espaces publics du quartier d’affaires de La Défense.

Estimant qu’une partie de ces prestations n’avait pas été effectuée, l’établissement public a refusé de régler les factures correspondant à quatre bons de commande et a considéré que ces sommes devaient être compensées avec ses propres créances vis-à-vis de la société.

Dès lors, le titulaire du marché a adressé un mémoire de réclamation pour demander l’indemnisation de son préjudice et a obtenu un refus de la part du pouvoir adjudicateur. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par le titulaire du marché, a déclaré irrecevables les demandes de la société, mais la cour administrative de Versailles lui a donné raison. Le pouvoir adjudicateur s’est ainsi pourvu en cassation.

Quels critères permettent de caractériser un différend ?

Le Conseil d’État a précisé qu’un différend résulte d’une « prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l’acheteur et faisant apparaître le désaccord ». Il doit faire l’objet, de la part du titulaire, d’un mémoire de réclamation qui « doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu. » (art. 34.1du CCAG applicable aux marchés publics de fournitures courantes et de service).

La Haute Juridiction a confirmé le jugement d’appel : dans la mesure où l’acheteur a indiqué oralement entendre bloquer « intégralement » le paiement des factures mais qu’il a, en parallèle, procédé au règlement de l’une d’entre elles, le titulaire du marché a légitimement pu croire que l’établissement public n’entendait pas refuser le paiement de ses factures.

En l’absence de refus écrit, explicite et non équivoque de la part de l’acheteur, le contentieux ne révélait pas de différend au sens du CCAG. En conséquence, le délai de trente jours n’était pas applicable et le mémoire en réclamation n’a pas été considéré comme tardif.

Enfin, le Conseil a souligné qu’en ayant procédé au paiement de certaines factures sans émettre de réserve, celui-ci a un caractère définitif et ne pouvait plus être remis en cause. Ainsi, l’établissement public ne pouvait prétendre à la compensation des sommes en litige.

Les brèves de la revue BJCP
L’actualité jurisprudentielle du droit des contrats publics sélectionnée par le comité de rédaction du BJCP.

MARCHÉS PUBLICS

CE 28 juin 2019, Société Icade Promotion, nos416735 et 416742

Qu’est-ce qu’une faute assimilable à une fraude ou à un dol, permettant d’engager la responsabilité contractuelle des constructeurs, après la réception de l’ouvrage ?

Responsabilité des constructeurs – Désordres apparents – Levée des réserves – Garantie décennale (NON) – Responsabilité contractuelle pour faute assimilable à une fraude ou à un dol – Violation grave, par sa nature ou ses conséquences, des obligations contractuelles des constructeurs, commises volontairement et sans qu’ils puissent en ignorer les conséquences.

La faute assimilable à une fraude ou à un dol est caractérisée par la violation grave, par sa nature ou ses conséquences, des obligations contractuelles des constructeurs, commises volontairement et sans qu’ils puissent en ignorer les conséquences. Toutefois, la seule gravité des désordres ne suffit pas à caractériser une telle faute en l’absence de violation intentionnelle, par le constructeur, de ses obligations contractuelles.

CONCESSIONS/DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC

CE 22 mai 2019, Société Corsica Ferries, n°426763

CE 24 juin 2019, Société Méridionale, n°429407

Une candidature qui ne respecte pas toutes les exigences du règlement de consultation peut-elle être écartée comme incomplète ? La divulgation dans la presse d’éléments relatifs à une offre constitue-t-elle une atteinte au principe d’égalité de traitement si la collectivité délégante n’est pas à l’origine de ce manquement ?

Passation. 1. Recevabilité des candidatures et des offres – Examen des candidatures – Caractère obligatoire du règlement de consultation – Portée – Candidature devant être regardée comme incomplète, dès lorsqu’elle ne respecte pas les exigences fixées par ce règlement relatives au mode de transmission des documents requis, sous réserve que ces exigences ne soient pas manifestement inutiles.2. Atteinte au principe d’égalité de traitement – Existence – Divulgation dans la presse d’éléments relatifs à l’offre déposée par un candidat – Circonstance que la collectivité délégante n’est pas à l’origine du manquement sans incidence.

  1. Le règlement de consultation est obligatoire dans tous ses éléments, sauf si ses exigences sont manifestement inutiles. En cas de non-respect, la candidature est incomplète. 2. La divulgation dans la presse d’éléments relatifs à l’offre déposée par un candidat constitue une atteinte au principe d’égalité de traitement, alors même que la collectivité délégante n’est pas à l’origine de ce manquement.