Que contient le nouveau guide des achats publics innovants ?

L'articulation entre marchés publics et sous-traitance

Le décret du 24 décembre 2018 a été adopté pour favoriser l’innovation dans la commande publique. Il permet aux acheteurs de passer des marchés négociés sans publicité, ni mise en concurrence préalables pour les achats innovants d’un montant inférieur à 100 000 € HT.

Face au peu d’engouement qui a suivi l’entrée en vigueur de l’expérimentation, la DAJ a présenté un nouveau guide dédié à l’achat public innovant réalisé par l’observatoire économique de la commande publique (OECP) le 29 mai dernier.

 

Quelles sont les conditions pour bénéficier de l’expérimentation ?

Le décret de Noël comporte plusieurs conditions : passer un achat qualifié d’innovant d’un montant égal ou supérieur à 25 000 € HT et inférieur à 100 000 € HT.

Qu’est-ce qu’un achat innovant ? L’innovation est parfois confondue avec d’autres notions dont la Recherche et le développement ou appréhendée sous divers angles (innovations de produit, de procédé, de commercialisation, d’organisation) qui rendent difficile la notion pour l’acheteur.

Selon le code de la commande publique « sont considérés comme innovants les travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés ». Cette définition laisse une marge d’appréciation aux acheteurs qui pourront, au moyen d’un faisceau d’indices, qualifier l’achat innovant dans le cadre des marchés publics.

Nouveauté ou exclusivité : des gages d’innovation ? La nouveauté pourrait être assimilée à de l’innovation lorsque les offres ont moins de deux ans de commercialisation. Mais il n’existe pas de jurisprudence administrative ou européenne pour confirmer ou infirmer cette limitation temporelle. La durée d’une procédure de contractualisation pouvant s’étendre sur une année, cette limitation temporelle serait de nature à priver les administrations d’un certain nombre d’innovations.

Aussi, l’exclusivité n’est pas synonyme d’innovation. Si la détention de droits de propriété intellectuelle, tels qu’un brevet, pourrait être le signe d’une innovation, toutes les solutions innovantes ne sont pas nécessairement brevetées.

L’offre directement adaptée aux besoins de l’administration constitue-t-elle une solution « sensiblement améliorée » qui correspondrait à une innovation ? Pas toujours… Puisque certaines améliorations tendent parfois à une adaptation à la structure publique, sans pour autant être innovantes.

In fine, la notion d’innovation reste difficile à appréhender et occasionnera sans nul doute un contentieux.

 

Quels outils utilisés en faveur de l’innovation ?

Le sourcing ou comment anticiper l’innovation ? Benchmarking, veille e-sourcing, demandes d’information, avis de pré-information, planification des achats, rencontres fournisseurs, visites de site, entretiens individualisés, points de contact sont tous des outils de sourcing utilisés pour favoriser l’innovation dans les achats et l’organisation des administrations.

Les hackatons stimulateurs d’innovation ? Issus de la contraction des mots « hacker » et « marathon », le hackaton désigne communément un événement où un groupe de volontaires – originellement développeurs – se réunit dans un cadre temporel donné, pour répondre de façon créative à une problématique.

Il s’agit tout simplement d’une compétition d’innovation.

 

Quelles sont les obligations de l’acheteur public dans le cadre de l’expérimentation ?

Un achat « en bon gestionnaire » reste obligatoire. Comme pour les marchés inférieurs à 25 000 euros, trois recommandations garantissent que l’acheteur a effectué son achat « en bon gestionnaire ». Il doit veiller à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique.

Afin de pouvoir justifier, en cas de contentieux, que son marché n’a pas été conclu en méconnaissance de ces principes, il est conseillé à l’acheteur de conserver une trace des éléments ayant motivé sa décision, notamment les démarches préalables effectuées afin d’apprécier le caractère innovant de son achat.

Au surplus, à l’issue de la procédure expérimentale, les acheteurs sont tenus de déclarer les achats innovants à l’OECP. Cette déclaration permet à l’OECP en charge du recensement et de l’analyse économique des contrats de la commande publique, d’établir un premier bilan dans les six mois précédant la fin de la période de trois ans d’expérimentation.

Attention ! Cette obligation de déclaration ne correspond pas à un contrôle a posteriori de l’opportunité de recourir à cette procédure, mais tend à mesurer l’effet du dispositif pour le pérenniser s’il est efficace ou le supprimer en cas d’inefficacité.

L’arrêté du 26 décembre 2018 précise les modalités de déclaration des achats innovants à ce titre. Les acheteurs doivent rajouter la mention « procédure expérimentale innovation » dans la rubrique « commentaires » de la fiche de recensement économique de l’achat public à établir pour chacun de ces marchés.

 

En pratique, comment contractualiser de façon innovante ?

Contracter avec des entreprises innovantes est un indice de qualification d’achat innovant. Les contrats publics passés avec les entreprises françaises (PME et ETI) – dont le caractère innovant est défini par le fait qu’elles bénéficient du crédit d’impôt recherche (CIR) ou du crédit d’impôt innovation (CII) ou bien du régime de jeune entreprise innovante – sont des achats innovants. Il s’agit toutefois de comptabiliser uniquement les achats contractés avec des PME innovantes et non l’achat innovant en lui-même.

L’innovation à portée de main des collectivités périurbaines et rurales grâce à cette forme de contractualisation. Les règles lourdes et chronophages d’appels d’offres ont tendance à freiner les acteurs publics de moindre taille dans leurs besoins d’innover sur leur territoire.

Grâce à la souplesse et à la rapidité de la procédure de passation apportée par le décret du 24 décembre 2018, les petites collectivités pourront davantage innover, en s’associant avec des PME ou ETI.

Ce procédé fonctionne puisque dans le cadre de la modernisation du réseau de bus de la métropole d’Orléans, PADAM, une start-up innovante, a proposé sa plateforme intelligente de transport à la demande. Résultat : une fréquentation presque doublée lors des six premiers mois d’exploitation et 85 % des usagers ne souhaitant pas revenir à l’ancien système.

C’est désormais à votre tour !

 

Vous avez des interrogations ? N’hésitez pas à participer à la conférence de référence en la matière, Les Journées du BJCP qui aura lieu les 4 et 5 décembre 2019 à Paris.