Le projet de relèvement du seuil des marchés conclus de gré à gré

La réforme des CCAG, un art de l'exécution

[vc_row][vc_column][vc_column_text]Plus encore que d’autres domaines, le droit des marchés public connaît une évolution perpétuelle et sans aucun répit.

Au milieu d’autres projets d’évolution des règles imposées aux acheteurs (augmentation du taux minimal de l’avance dans certains cas, projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes, etc.), le seuil en deçà duquel un marché peut être conclu sans publicité, ni mise en concurrence devrait donc encore évoluer.

Parti de 90 000 € entre 2001 et 2004, puis rabaissé à 4 000 € entre 2004 et 2012, avec une brève remontée à 20 000 € entre 2009 et 2010, puis réévalué à 15 000 € entre 2012 et 2015, puis encore augmenté à 25 000 € depuis 2016, ce seuil n’a cessé de faire parler de lui.

Il devrait donc, à compter du 1erjanvier 2020, être fixé à 40 000 € HT (projet de décret NOR : ECOM1923341D).

Pourquoi cette hausse ?

Tout d’abord, il faut souligner que ce seuil de 40 000 € n’a rien d’extraordinaire en comparaison avec nos voisins européens (moyenne de 36 500 € pour les marchés de fournitures et de services et 73 470 € pour les marchés de travaux).

Cette démarche va donc dans le bon sens et permet de poursuivre le mouvement de responsabilisation des acheteurs, engagé depuis 2006 : confiance leur est faite pour décider, au cas par cas, de la meilleure méthode d’achat à mettre en œuvre. Bien évidemment, les garde-fous prévus par le pouvoir réglementaire sont maintenus (« L’acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin. »).

D’après la fiche d’impact du projet, cette évolution est motivée par deux raisons principales : faciliter l’accès des PME à la commande publique et simplifier la conclusion des marchés publics de faible montant.

En outre, la fiche d’impact du projet de décret affirme que le relèvement du seuil devrait permettre aux acheteurs de réaliser des économies de gestion (publicité, dématérialisation, coût de traitement, etc.), qui ne sont toutefois pas chiffrées.

Mais bien évidemment, l’adoption du seuil de 40 000 € ne donnera lieu à aucun miracle.

Par exemple, il n’est pas du tout évident que la « libéralisation » des marchés sous ce montant entraîne un accroissement des parts de marchés des TPE (si ce n’est peut-être au niveau local). Celles-ci resteront soumises à la loi de la concurrence classique et la prime reviendra au meilleur prospecteur, quel que soit son statut.

De même, côté acheteur, il y a fort à parier que de nombreuses administrations continueront à appliquer des règles internes plus strictes que celles imposées par le code (seuils intermédiaires, obligation de solliciter trois devis, etc.)

Maintien d’un seuil « quasi » unique

Si plusieurs voix se sont faites entendre pour la création de seuils différenciés en fonction de la taille de l’acheteur et/ou de la nature de l’achat, le ministère de l’Économie a donc fait le choix d’un seuil quasi-unique, qui présente selon nous l’avantage de la lisibilité et de la simplicité et permettra d’éviter d’avoir à trancher des questions parfois délicates (frontières entre marchés publics de travaux/de services, etc.)

« Quasi » unique, parce qu’il faut rappeler qu’il existe aujourd’hui au moins deux autres seuils spécifiques : celui de 90 000 € pour les achats de livres non scolaires (article R. 2122-9 du code de la commande publique) et celui, temporaire, de 100 000 € pour les marchés innovants (décret n°2018-1225 du 24 décembre 2018).

La simplification annoncée est-elle vraiment au rendez-vous ?

Oui, mais pas totalement. Le ministère a en effet souhaité maintenir un seuil à 25 000 € s’agissant de l’obligation qu’ont les acheteurs de communiquer toutes les données essentielles de leurs marchés (cf. futurs alinéas 3 et suivants de l’article R. 2122-8 du code de la commande publique : communication sur le profil acheteur ou par tout moyen, de façon annuelle).

Cette disposition, peu commentée à ce jour, aboutit ni plus ni moins à créer un nouveau seuil et une nouvelle obligation quelque peu « piégeuse » pour les acheteurs, puisqu’elle ne répond plus à la logique de souplesse intégrale, qui présidait antérieurement pour les marchés conclus de gré à gré.

Ce projet de décret n’atteint donc pas totalement l’objectif de simplification et d’allégement de la réglementation : il est paradoxal de vouloir « en même temps » simplifier la tâche des acheteurs et « en même temps » leur imposer de tenir compte d’un seuil supplémentaire pour le respect de leurs obligations.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_empty_space height= »10px »][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][ultimate_heading alignment= »left » el_class= »extra-height-bloc-citation » margin_design_tab_text= » »]

Maxime Büsch
Avocat of counsel
LexCase

 

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