Réforme des CCAG : quels sont les changements pour les marchés publics ?

Actuellement en discussion, la nouvelle version des cahiers des clauses administratives générales (CCAG) devrait être publiée en avril 2021. En effet, à la suite de l’entrée en vigueur du nouveau code de la commande publique en avril 2019, le Gouvernement a souhaité, dans le prolongement de cet élan de simplification et de modernisation du droit de la commande publique, réformer les CCAG. Il a alors organisé une consultation auprès des acheteurs publics et a annoncé le lancement des groupes de travail afin de moderniser les CCAG restés inchangés depuis 2009. La DAJ prévoyait alors une publication des arrêtés au printemps 2020. Toutefois, cette publication a dû être reportée à 2021.

Quel est l’esprit de la réforme ?

À la suite de la consultation de 2019, plusieurs objectifs ont été fixés au regard de la vétusté et l’inadéquation des 5 CCAG existants avec le code de la commande publique et l’objectif de dématérialisation de la commande publique.

Il s’agit donc pour le Gouvernement, tout en harmonisant l’ensemble des CCAG, de mener à bien l’actualisation et l’amélioration de la lisibilité de ces documents contractuels, de renforcer la sécurité juridique durant l’exécution des contrats, et d’adapter les CCAG à l’ère du numérique et de l’ouverture des données. Le toilettage opéré par la réforme ne concernera toutefois pas le CCAG travaux au regard de ses spécificités.

L’harmonisation des CCAG concerne notamment les délais de réception tacite ou encore le seuil d’exonération des pénalités de retard fixé à 1000 euros pour l’ensemble des marchés.

Toutefois, la DAJ a décidé de maintenir l’interdiction de référence à plusieurs CCAG pour un même marché, à l’exception des marchés globaux pour lesquels l’élaboration d’un guide est prévue afin d’accompagner les acteurs publics dans l’articulation des différents CCAG.

Le rééquilibrage des relations contractuelles au profit du cocontractant de l’administration

Les grands principes des contrats administratifs posés par l’article 6 du code de la commande publique ont conduit à un déséquilibre des relations contractuelles en faveur du seul pouvoir adjudicateur. L’objectif de cette disposition est de garantir la continuité du service public en vertu du principe d’intérêt général qui exige que, lorsque l’administration externalise une prestation, celle-ci réponde aux besoins des usagers du service public.

Ce déséquilibre permet ainsi à l’administration de bénéficier de la théorie de l’imprévision et ainsi d’enjoindre à son cocontractant de poursuivre l’exécution du marché même en cas de bouleversement économique du contrat, ou encore de modifier et résilier unilatéralement ce dernier.

Par suite, l’objectif de la réforme des CCAG est de rééquilibrer ces relations contractuelles au profit du cocontractant de l’administration afin de tendre vers le modèle contractuel privé tout en préservant les prérogatives de puissance publique de l’administration indispensables au bon fonctionnement du service public.

Le rééquilibrage économique des relations contractuelles

En effet, à l’aune de la loi PACTE de 2019 qui tente de rééquilibrer les relations contractuelles, la réforme des CCAG introduit un nouvel article L.2194-3 dans le code de la commande publique qui prévoit que les prestations supplémentaires ou modifications demandées par un acheteur dans un marché de travaux doivent faire l’objet d’une contrepartie permettant une juste rémunération du titulaire.
Ainsi, cette disposition proscrit les ordres de services à « zéro euros » et révise ainsi les clauses 14.1 et 15.2.1 du CCAG travaux, qui prévoient respectivement d’une part les ordres de services modificatifs pour lesquels il n’y a pas de prix, et d’autre part l’obligation du titulaire à mener à son terme les travaux quelle que soit l’augmentation de la masse demandée.

La DAJ prévoit également l’obligation pour l’ensemble des marchés publics de valoriser les ordres de service afin d’éviter d’aboutir à des relations contractuelles manifestement déséquilibrées, et par suite à un modèle économique peu attractif pour les candidats potentiels aux marchés publics.

Le rééquilibrage des relations contractuelles dans le cadre du précontentieux et du contentieux

Concernant le précontentieux, jusqu’alors la mise en œuvre des pénalités prévues par les CCAG ne prévoyaient pas de mise en demeure du cocontractant défaillant. Cela impliquait pour l’administration d’infliger unilatéralement une sanction à son cocontractant dès lors qu’il ne respectait pas les dispositions du contrat, et faisait perdre tout son sens à la fonction réparatrice des pénalités.

Désormais, la réforme des CCAG semble tendre vers une relation de confiance et de dialogue entre les protagonistes de la commande publique. En effet, une procédure contradictoire est prévue avant l’application des pénalités de retard, ce qui permettra au cocontractant de disposer d’un délai de 15 jours pour répondre au maitre d’ouvrage, et le cas échéant prouver que le retard dans l’exécution de ses obligations ne lui est pas imputable.

Parallèlement, le juge administratif a assoupli sa position vis-à-vis de l’application de l’article 1152 du code civil et accepte dorénavant de réévaluer les pénalités lorsqu’elles sont manifestement excessives ou dérisoires eu égard au montant du marché (CE, 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, n° 296930).

En outre, pour répondre à l’objectif de sécurisation des marchés dans la phase précontentieuse, la DAJ souhaite codifier les jurisprudences relatives à la rédaction des mémoires en réclamation et propose d’intégrer dans les CCAG la définition jurisprudentielle du mémoire en réclamation. Le point de départ du délai de 2 mois laissé au titulaire du marché pour présenter un mémoire en réclamation va également être clarifié.

Enfin, les modes alternatifs de règlement des différends, déjà prévus par le CCAG travaux, sont également une piste envisagée par les rédacteurs de la réforme, qui souhaitent prévenir le contentieux et favoriser le règlement amiable des litiges nés entre les opérateurs publics.

Les CCAG, instruments de politiques publiques au service de l’accès des PME aux marchés publics

Pour renforcer l’attractivité des marchés pour les TPE et PME, la DAJ souhaite améliorer les conditions d’exécution financière des marchés publics par le biais des CCAG. L’observatoire économique de la commande publique a d’ailleurs élaboré un guide pratique visant à faciliter l’accès de ces petites entreprises à la commande publique, qui fera écho aux nouvelles dispositions des CCAG.

Le premier instrument utilisé pour service cet objectif est le versement des avances au cocontractant de l’administration. En effet, le gouvernement prévoit l’intégration d’une clause relative aux avances dans l’ensemble des CCAG, dont le taux est fixé à 20% pour les PME. Pour les autres entreprises, un taux minimum d’avance réglementaire est prévu, et les CCAG indiqueront toujours le taux applicable, ce qui permettra d’ôter toute incertitude dans l’esprit des titulaires.

Le second instrument de cette politique de discrimination positive est l’utilisation des clauses financières incitatives qui sera encouragée sans être imposée, et dont les modalités seront précisées par les CCAG. Ces clauses permettront ainsi d’améliorer les délais d’exécution des marchés, de rechercher une meilleure qualités des prestations et de réduire les coûts de production.

Une réforme au service de la promotion du développement durable

L’achat durable est au cœur de cette réforme des CCAG puisqu’il s’agit là encore d’instrumentaliser les CCAG au service de la politique publique de développement durable.

Toutefois, la DAJ se heurte à une difficulté puisqu’il ne faut pas risquer de sortir du cadre légal en faisant la promotion du l’achat durable lorsque l’objet du marché ne porte pas dessus.

Concernant les dispositions prévues par la réforme, il semble que des pénalités seront prévues en cas de non-respect des clauses dites « vertes ». Toutefois, la DAJ reste prudente puisqu’elle ne souhaite pas pénaliser les PME.

En outre, une série d’incitations est prévue pour pousser les titulaires de marchés à réduire leurs emballages, déchets, ainsi que l’impact environnemental du transport.

Parallèlement, pour les marchés de travaux, de fournitures et de services, lorsque les CCAP prévoiront une clause sociale d’insertion, un article sera inclus dans les CCAG travaux et FCS afin de préciser les obligations des titulaires en matière sociale. D’autres pistes sont envisagées telles que l’application de pénalités ou encore l’insertion d’une disposition visant à imposer au titulaire de justifier sa chaîne d’approvisionnement et le respect des droits de l’Homme. Toutefois, ces éventualités restent en discussion et n’ont pas été confirmées par la DAJ.

Vers une dématérialisation totale des contrats publics ?

L’un des objectifs de la réforme étant l’adaptation des CCAG à l’ère du numérique et de l’ouverture des données, il serait légitime de s’attendre à ce que la dématérialisation soit étendue à toutes les étapes de la vie du marché. En effet, si en principe toute la phase de passation est soumise depuis le 1er octobre 2018 à une totale dématérialisation, en pratique, seule la facturation y est soumise. Cette mesure permettrait ainsi de disposer de preuves matérielles et plus facilement traçables en cas de contentieux, mais également de faciliter les échanges entre acheteurs et titulaires.

En outre, la question de la RGPDisation des CCAG se pose dans la mesure où l’entrée en vigueur de ce règlement européen rend caduques certaines dispositions des CCAG et notamment les mesures de sécurité prévues par l’article 5.2.3 des CCAG. Ainsi, l’intégration des principes du RGPD dans les nouveaux CCAG permettrait de garantir le traitement conforme des données à caractère personnel dans le cadre de la passation et de l’exécution des marchés publics.

Un nouveau CCAG relatif à la maîtrise d’œuvre ?

Au regard de l’inadaptation du CCAG PI dénoncée par les praticiens, celui-ci va être remplacé par un CCAG maîtrise d’œuvre, qui reprendra globalement l’architecture de son prédécesseur. Cette volonté répond à un triple objectif, à savoir : faciliter la rédaction des marchés publics de maîtrise d’œuvre, équilibrer les relations contractuelles entre acheteurs publics et entreprises de maîtrise d’œuvre, et par suite, prévenir les litiges pouvant survenir lors de l’exécution du marché.

Pour répondre au mieux à ces problématiques, la DAJ a sollicité sept organisations professionnelles, qui ont rédigé un projet de CCAG maitrise d’œuvre. La maîtrise d’œuvre privilégiant généralement la contractualisation sous forme de groupements, le projet a notamment pour objectif de faciliter l’exclusion d’un co-traitant défaillant sans remettre en cause la globalité du marché, et ainsi paralyser ce dernier.

En outre, ce projet prévoit un important volet financier visant à faciliter le circuit de paiement et à répondre aux problématiques de trésorerie actuelles. Le nouveau CCAG réserve une place plus important aux avances en début de marché, puisque celles-ci passent de 5 à 20% compte tenu de la durée des opérations. Quant au seuil de pénalité maximal, il est fixé à 15% du prix du marché afin d’inciter les opérateurs économiques à répondre aux marchés publics et d’éviter l’écueil des pénalités trop importantes ayant un effet dissuasif.
Le CCAG maîtrise d’œuvre contient également une stipulation introduisant un partage des risques lorsque la durée des chantiers va au-delà de 10% de la durée prévisionnelle du marché dès lors que le maitre d’œuvre n’en est pas à l’origine.

Enfin, pour répondre à l’objectif d’équilibre des relations contractuelles, ce projet prévoit qu’au-delà de ces 10%, l’allongement du délai d’exécution du marché fera l’objet d’une rémunération complémentaire du maitre d’œuvre.

Pour répondre à toutes ces questions, EFE vous invite à rejoindre la conférence du jeudi 4 février 2021 afin de décrypter toutes les actualités relatives à la réforme des CCAG et les nouveautés en matière de commande publique.