Contrats de concession et droit de l’Union européenne

BJCPonline : Brèves de jurisprudence

La sélection du mois
Les dernières décisions résumées par la rédaction du BJCPonline.

THÉORIE GÉNÉRALE DES CONTRATS

CE 12 octobre 2020, Société Vert Marine, n°419146

Les articles L. 3123-1 et R. 3123-16 à R. 3123-21 du code de la commande publique relatifs aux exclusions de plein droit de la procédure de passation des contrats de concession sont-ils contraires au droit de l’Union européenne ?

Communautés européennes et union européenne – Marchés publics – Directive 2014/23/UE du 26 février 2014 – Exclusions procédure opérateur économique condamné – Mesures correctrices – Inconventionnalité de la loi.

Conformément à l’interprétation résultant de l’arrêt rendu par la CJUE le 11 juin 2020 Vert Marine SAS c/ Premier ministre et Ministre de l’Économie et des finances, aucune disposition de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession n’offre à un opérateur économique condamné par un jugement définitif pour une des infractions pénales énumérées à l’article 39 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 d’apporter la preuve qu’il a pris des mesures correctrices susceptibles de démontrer le rétablissement de sa fiabilité.

Dans ces conditions, les dispositions de l’article 39 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 reprises à l’article L. 3123-1 du code de la commande publique, sont incompatibles avec les objectifs de l’article 38 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 dans la mesure où elles ne prévoient pas de dispositif de mise en conformité permettant à un opérateur économique candidat à l’attribution d’un contrat de concession d’échapper aux interdictions de soumissionner prévues en cas de condamnation de certaines infractions.

L’annulation de ces dispositions conduit aux mesures transitoires suivantes : dans l’attente de l’édiction des dispositions législatives et réglementaires nécessaires au plein respect des exigences découlant du droit de l’Union européenne, l’exclusion de la procédure de passation des contrats de concession prévue à l’article L. 3123-1 du code de la commande publique n’est pas applicable à la personne qui, après avoir été mise à même de présenter ses observations, établit dans un délai raisonnable et par tout moyen auprès de l’autorité concédante qu’elle a pris les mesures nécessaires pour corriger les manquements correspondant aux infractions mentionnées à cet article et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du contrat de concession n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement.

CE 7 octobre 2020, OPH Lyon Métropole Habitat, req n°440575

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la procédure concurrentielle avec négociation ?

Marchés et contrats administratifs – Mode de passation des contrats – Procédure concurrentielle avec négociation – Exclusion des prestations de services connues et normalisées.

La procédure concurrentielle avec négociation étant dérogatoire et circonscrite aux cas limitativement énumérés par le II de l’article 25 du décret du 25 mars 2016, il est impossible de recourir à une telle procédure dans l’hypothèse de prestations standardisées ou « connues et normalisées », sauf si ces prestations ne peuvent être réalisées qu’au prix d’une adaptation des solutions immédiatement disponibles, ce qui n’est pas le cas de prestations répondant à des normes réglementaires

Le recours illicite à cette procédure conduit au manquement aux obligations de publicité et mise en concurrence, susceptible de léser le candidat évincé.

Les brèves de la revue BJCP
L’actualité jurisprudentielle du droit des contrats publics sélectionnée par le comité de rédaction du BJCP.

THÉORIE GÉNÉRALE DES CONTRATS

CE 9 juin 2020, Métropole Nice Côte-d’Azur, nos436922, 436925 et 436926

Est-il possible, pour une collectivité publique non encore compétente sur un objet, d’engager une procédure de passation de contrat de la commande publique sur cet objet ? L’autorité concédante est-elle tenue de pondérer les critères de sélection des offres ?

Procédure de passation d’un contrat de la commande publique – Transfert de compétence entre autorités publiques – Compétence de la collectivité bénéficiaire du transfert pour engager la procédure avant le transfert – Oui.
Hiérarchisation ou pondération des critères – Liberté de l’autorité concédante.

Lorsqu’une personne publique a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et à l’exécution d’un contrat de la commande publique, notamment parce qu’elle est en cours de création ou de transformation ou parce qu’une procédure, par laquelle la compétence nécessaire doit lui être dévolue, est déjà engagée, aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce qu’elle engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu’elle n’est pas encore compétente à cette date pour le conclure. Il en va notamment ainsi lorsque le contrat en cause a pour objet la gestion d’un service public.

Il appartient seulement à la personne publique de faire savoir, dès le lancement de la procédure de passation, que le contrat ne sera signé qu’après qu’elle sera devenue compétente à cette fin. Une personne publique peut par ailleurs signer un contrat dont la procédure de passation a été engagée et conduite par une autre personne publique, à laquelle, à la date de la signature du contrat, elle est substituée de plein droit, sans que cette procédure soit, en l’absence de vice propre, entachée d’irrégularité.

L’autorité concédante n’est pas tenue de procéder à la pondération des critères d’attribution des offres et a pour seule obligation d’indiquer et de décrire ces critères et, pour les concessions supérieures aux seuils européens, de les hiérarchiser.

MARCHÉS PUBLICS

CE 10 juin 2020, Ministre des Armées c/ Sociétés Erics et Altaris, n°431194

Le pouvoir adjudicateur peut-il librement déterminer la pondération des critères de choix de l’offre ?

Passation – Choix de l’offre – Critères – Pondération – Liberté du pouvoir adjudicateur – Limite – Interdiction de retenir une pondération qui ne permettrait manifestement pas de retenirl’offre économiquement la plus avantageuse.

Il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères permettant d’apprécier la performance globale des offres au regard de ses besoins. Ces critères doivent être liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, être définis avec suffisamment de précision pour ne pas laisser une marge de choix indéterminée et créer une rupture d’égalité entre les candidats. Le pouvoir adjudicateur détermine librement la pondération des critères de choix des offres. Toutefois, il ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse.

CE 10 juin 2020, Société Bonaud, nos425993 et 428251

Y a-t-il non-lieu en cas de notification du décompte général après les délais alors que l’entreprise a déjà saisi le juge pour obtenir un règlement des sommes dues ?

Exécution financière – Règlement des marchés de travaux publics – Décompte général et définitif (CCAG Travaux) – Absence de notification du décompte général après mise en demeure par le titulaire du marché – Décompte général et définitif – Saisine du tribunal administratif (art. 13.4.2 du CCAG) – 1. Notification du décompte postérieure à la saisine du tribunal – Non-lieu – Absence – 2. Notion de tribunal administratif compétent – Inclusion – Juge du référé-provision.

Il résulte de l’article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 8 septembre 2009, que lorsque le pouvoir adjudicateur, mis en demeure de notifier le décompte général, s’abstient d’y procéder dans le délai de trente jours qui lui est imparti, le titulaire du marché peut saisir le tribunal administratif d’une demande visant à obtenir le paiement des sommes qu’il estime lui être dues au titre du solde du marché.

Dans l’hypothèse où la personne publique notifie le décompte général postérieurement à la saisine du tribunal, le litige conserve son objet sans que le titulaire du marché soit tenu de présenter de mémoire de réclamation contre ce décompte. La saisine du juge des référés, sur le fondement des articles R. 541-1 et suivants du code de justice administrative, de conclusions tendant au versement d’une provision sur le solde du marché doit être regardée comme la saisine du tribunal administratif au sens de cet article 13.4.2.