Entente anticoncurrentielle et responsabilité

BJCPonline : Brèves de jurisprudence

Les brèves de la revue BJCP
L’actualité jurisprudentielle du droit des contrats publics sélectionnée par le comité de rédaction du BJCP.

THÉORIE GÉNÉRALE DES CONTRATS

 TC 2 novembre 2020, Société Eveha c/ Institut National de Recherches Archéologiques Préventives, n° 4196

 Des prérogatives particulières confiées au cocontractant privé de l’administration confèrent-elles une nature administrative au contrat ?

Critères des contrats administratifs  Contrat passé entre une personne privée et un établissement public  Contentieux des contrats publics. a) Critère de l’exécution d’une mission de service public  Existence  INRAP chargé d’une mission de service public de l’archéologie préventive Réalisation de travaux publics. b) Critère des clauses  Clauses conférant au contrat une nature administrative  Absence  Prérogatives reconnues aucocontractant privé, notamment un pouvoir de résiliation unilatéral.

La circonstance qu’un contrat, passé entre une personne privée et une personne publique, comporte des clauses conférant à la personne privée des prérogatives particulières, notamment le pouvoir de résilier unilatéralement le contrat pour motif d’intérêt général, n’est pas de nature à faire regarder ce contrat comme administratif, dès lors que les prérogatives en cause sont reconnues à la personne privée contractante et nonà la personne publique. Pour autant, le contrat est administratif à raison de son objet : la réalisation de travaux publics par un établissement public en charge de la mission de service public del’archéologie préventive.

CE 12 octobre 2020, Société Mersen et autres, nos432981, 433423, 433477, 433563 et 433564

Quelle est l’étendue de la compétence du juge administratif vis-à-vis d’entreprises privées participant à une entente ?Quel est le point de départ du délai de prescription ?Quelles sont les entreprises susceptibles d’engager leur responsabilité du fait d’une entente ?La victime doit-elle démontrer qu’elle n’a pas elle-même répercuté le surcoût sur ses propres clients ?

Entente anticoncurrentielle  Responsabilité des entreprises  Compétence du juge administratif  Délai de prescription  Entreprises impliquées dans l’entente  Responsabilité des membres de l’entente,alors même que la personne publique a contracté avec une entreprise qui n’y a pas participé (effet d’ombrelle)  Répercussion des surcoûts par la victime sur ses propres clients  Charge de la preuve.

  1. Lorsqu’une personne publique est victime, à l’occasion de la passation d’un marché public, de pratiques anticoncurrentielles, il lui est loisible de mettre en cause la responsabilité quasi délictuelle non seulement de l’entreprise avec laquelle elle a contracté, mais aussi des entreprises dont l’implication dans de telles pratiques a affecté la procédure de passation de ce marché, et de demander au juge administratif leur condamnation solidaire.
  2. La publication de la décision de la Commission européenne sanctionnant des entreprises participant à une entente constitue le point de départ du délai de prescription, la victime ayant alors connaissance de manière suffisamment certaine de l’étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a fait l’objet de la part des membres de l’entente.
  3. Les entreprises dont l’implication dans des pratiques d’entente a affecté la procédure de passation d’un marché sont susceptibles d’être condamnées solidairement, alors même que certaines d’entre elles n’auraient pas conclu de contrats avec la personne publique victime. Les entreprises dont les pratiques anticoncurrentielles ont eu pour effet d’augmenter le prix de marchés conclus par leurs victimes sont susceptibles d’engager leur responsabilité du fait de ce surcoût, alors même que ces marchés ont été conclus avec des entreprises ne participant pas à cette entente. En revanche, la responsabilité d’une filiale ne saurait être engagée au titre d’une période durant laquelle elle n’était pas encore impliquée dans les pratiques anticoncurrentielles.
  4. La charge de la preuve de la répercussion des surcoûts à ses clients n’incombe pas exclusivement à la victime.

MARCHÉS PUBLICS

CJUE (4e ch.) 10 septembre 2020, Tax-Fin-Lex d.o.o., aff. C-367/19

Comment traiter une offre à zéro euro ?

Marché public  Critères d’identification  Caractère onéreux  Contrepartie  Prix  Offre à zéro euro  Rejet sur le fondement de la procédure de contrôle des offres anormalement basses.

Un marché public se caractérise par son caractère onéreux, désignant un contrat par lequel chacune des parties s’engage à réaliser une prestation en contrepartie d’une autre. Le caractère synallagmatique se traduit obligatoirement par la création d’obligations juridiquement contraignantes pour chacune des parties au contrat, dont l’exécution doit pouvoir être réclamée en justice. Alors même que l’obtention d’un marché pour lequel l’opérateur ne réclame aucun prix pourrait avoir une valeur économique pour lui, en ce qu’elle lui ouvrirait l’accès à un nouveau marché ou lui permettrait d’obtenir des références, cette circonstance ne saurait suffire pour qualifier ce contrat de « contrat à titre onéreux ». Néanmoins, pour rejeter une telle offre, le pouvoir adjudicateur ne saurait se fonder sur l’article 2, paragraphe 1, point 5, de la directive 2014/24, qui se borne à définir le marché public, mais doit appliquer la procédure relative aux offres anormalement basses.