Irrégularité du contrat 

BJCPonline : Brèves de jurisprudence

La sélection du mois
Les dernières décisions résumées par la rédaction du BJCPonline.

CONTENTIEUX DES CONTRATS PUBLICS

CE 19 juillet 2023, Société Seateam aviation, 465308

Le Conseil d’État a rendu, le 19 juillet dernier, un arrêt indiquant qu’un recours de plein contentieux devant le juge administratif, d’un tiers à un contrat administratif, ne peut être effectué au-delà d’un délai raisonnable, qu’il fixe à un an maximum à compter du jour où ce tiers aurait eu connaissance des éléments constitutifs du contrat (parties et objet). Cette position rend possible un tel recours pour, par exemple, un concurrent évincé dans le cadre d’un marché public, et permet de ne pas excéder la sécurité juridique que revêt une relation contractuelle de cet ordre.

Les brèves de la revue BJCP
L’actualité jurisprudentielle du droit des contrats publics sélectionnée par le comité de rédaction du BJCP.

THÉORIE GÉNÉRALE DES CONTRATS

CE 8 mars 2023, Sipperec, n° 464619

L’administration peut-elle faire usage de son pouvoir de modification unilatérale pour remédier à une irrégularité affectant une clause contractuelle ?

Irrégularité du contrat  Clause illicite  Divisibilité  Usage du pouvoir de modification unilatérale pour y remédier  Oui.

En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique contractante peut unilatéralement apporter des modifications à un contrat dans l’intérêt général, son cocontractant étant tenu de respecter les obligations qui lui incombent en vertu du contrat ainsi modifié tout en ayant droit au maintien de l’équilibre financier du contrat. La personne publique peut ainsi, lorsqu’une clause du contrat est affectée d’une irrégularité tenant au caractère illicite de son contenu et à condition qu’elle soit divisible du reste du contrat, y apporter de manière unilatérale les modifications permettant de remédier à cette irrégularité. Si la clause n’est pas divisible du reste du contrat et que l’irrégularité qui entache le contrat est d’une gravité telle que, s’il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l’annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat, sans qu’il soit besoin qu’elle saisisse au préalable le juge.

CE 15 mars 2023, Ville de Paris, nos 465171 et 465174

Les documents échangés pendant la phase de négociation sont-ils communicables au concurrent évincé ? Dans quelle mesure le pouvoir adjudicateur peut-il occulter des éléments du rapport d’analyse des offres avant de le communiquer ?

Contrat de concession de mobilier urbain  Document administratif communicable  Documents et informations échangés lors de la phase de négociation (NON)  Rapport d’analyse des offres (OUI)  Réserve des éléments couverts par le secret des affaires.

Les documents et informations échangés entre l’administration et un candidat lors de la phase de négociation d’un contrat de la commande publique, dès lors qu’ils révèlent par nature la stratégie commerciale du candidat, ne sont pas communicables. Ne doivent pas être occultés les éléments du rapport d’analyse des offres relatifs aux engagements pris par la société attributaire à l’égard du pouvoir adjudicateur en termes de quantité et de qualité des prestations, dès lors qu’ils ne mentionnent ni les prix unitaires, ni les caractéristiques précises de ces prestations, et ne révèlent pas en eux-mêmes des procédés de fabrication ou la stratégie commerciale de l’entreprise. Lorsque le contrat a pour objet l’exploitation de mobilier urbain, il en va notamment ainsi des éléments relatifs aux modèles de mobilier envisagés, à leur dimensionnement, à leur qualité, incluant la nature des équipements numériques proposés, à leur esthétique, à leur évolutivité, ainsi qu’à leur nombre et au calendrier de leur déploiement.

CONVENTIONS DOMANIALES ET IMMOBILIÈRES

CE 21 décembre 2022, Commune de Saint-Félicien, n° 464505

Quelles conséquences sur un bail commercial de l’incorporation d’une dépendance dans le domaine public ?

Domaine public  a) Entrée  Bien qu’une personne publique décide d’affecter à un service public déjà doté des aménagements indispensables à l’exécution du service  Circonstance qu’un bail commercial aurait été conféré à un tiers  Incidence  Absence  b) Conséquences de l’existence d’un bail commercial antérieur à l’entrée  Contrat pouvant valoir titre d’occupation  Existence  Contrat conservant son caractère de bail commercial n Absence, en tant que celui-ci comporte des clauses incompatibles avec sa nouvelle affectation.

Lorsqu’une personne publique a pris la décision d’affecter un bien qui lui appartient à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public. Il en va de même lorsque la personne publique décide d’affecter à un service public un bien lui appartenant et qui est déjà doté des aménagements indispensables à l’exécution des missions de ce service public, alors même qu’un droit d’occupation de ce bien serait, à la date de cette décision d’affectation, conféré à un tiers par voie contractuelle.

Dans le cas où ce bien avait fait l’objet d’un bail commercial, un tel contrat, s’il peut valoir, jusqu’à son éventuelle dénonciation, titre d’occupation du domaine public, ne peut conserver, après l’inclusion dans le domaine public et indépendamment de la possibilité pour son titulaire de rechercher, devant le juge administratif, l’indemnisation du préjudice en résultant, son caractère de bail commercial en tant que celui-ci comporte des clauses incompatibles avec la domanialité publique.